Lorsqu’une entreprise rencontre de graves difficultés financières, elle peut être placée sous une procédure collective telle que la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire. Dans ces situations, la protection des intérêts de tous les créanciers s’impose. L’un des effets majeurs du redressement judiciaire consiste à suspendre les actions individuelles des créanciers pour obtenir le paiement d’une somme due avant l’ouverture de la procédure. Ce mécanisme vise à éviter que certains créanciers ne soient favorisés au détriment des autres. La question se pose souvent de savoir si cette suspension s’arrête après l’adoption d’un plan de redressement. L’actualité récente rappelle que ce principe continue de s’appliquer, même après la mise en place d’un tel plan.
procédure collective et suspension des poursuites individuelles : notions clés
Une procédure collective regroupe plusieurs procédures juridiques destinées à traiter les difficultés d’une entreprise, dont la sauvegarde, le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire. Dès qu’elle débute, toutes les poursuites individuelles visant à obtenir le paiement d’une dette née avant l’ouverture sont arrêtées.
Le but est d’organiser un traitement collectif et égalitaire entre tous les créanciers.
Ils doivent alors déclarer leur créance auprès du mandataire judiciaire, qui centralise et gère ces déclarations.
Si un procès est déjà en cours, il est interrompu au moment où commence le redressement judiciaire.
Voici un tableau synthétique :
Type de créance | Suspension des poursuites ? | Procédure à suivre |
---|---|---|
Antérieure | Oui | Déclaration au mandataire |
Postérieure | Non | Action directe possible |
illustration avec une affaire récente : vente d’un véhicule défectueux
L’affaire récemment jugée concerne la vente par une société d’un véhicule avec un vice caché. L’acheteur agit contre le vendeur pour demander des dommages-intérêts et une réduction du prix. En cours de procédure, le vendeur est placé en redressement judiciaire.
À ce moment, l’action engagée par l’acheteur est interrompue en raison de la suspension des poursuites individuelles. Par la suite, un plan de redressement est adopté. L’acheteur reprend alors son action devant le tribunal et obtient gain de cause devant la cour d’appel, qui condamne le vendeur à lui verser des sommes à différents titres.
analyse juridique : intervention de la cour de cassation
La cour d’appel estime pouvoir condamner le vendeur à payer les sommes réclamées par l’acheteur malgré l’existence du plan de redressement. Mais la Cour de cassation annule cette décision pour deux raisons principales :
- Les créances réclamées (dommages-intérêts et réduction du prix) sont nées avant l’ouverture du redressement judiciaire.
- Le plan de redressement n’efface pas la règle qui suspend les poursuites individuelles concernant ces créances.
Ainsi, même après l’adoption du plan, les créanciers ne peuvent pas agir individuellement pour obtenir le paiement de dettes antérieures.
antériorité ou postériorité des créances : quelle conséquence ?
La distinction entre créances nées avant ou après l’ouverture du redressement judiciaire joue un rôle central.
- Une créance née avant : elle doit être déclarée au mandataire judiciaire et sera traitée collectivement.
- Une créance née après : elle peut donner lieu à une action individuelle contre l’entreprise car elle échappe à la suspension.
Exemple simple :
- Une facture émise avant l’ouverture : déclaration obligatoire.
- Des frais engagés lors d’une décision rendue après l’ouverture (ex. frais de justice) : action possible.
application concrète dans l’affaire jugée
Dans le cas exposé, seuls les frais de justice supportés par l’acheteur ont pu être mis à la charge du vendeur. Cette somme correspond à une dépense née après l’ouverture du redressement judiciaire, puisque résultant directement d’une décision postérieure. Pour les autres demandes (réduction du prix et dommages-intérêts), il fallait que l’acheteur déclare ses créances auprès du mandataire judiciaire. Aucune condamnation directe n’était possible hors procédure collective.
Liste récapitulative :
- Frais de justice (après ouverture) : paiement direct autorisé
- Dommages-intérêts et réduction de prix (avant ouverture) : déclaration obligatoire
synthèse pratique pour les acteurs concernés
Pour chaque acteur impliqué dans un redressement judiciaire, distinguer précisément la date de naissance des créances conditionne les démarches possibles. Les créanciers doivent systématiquement déclarer leurs dettes antérieures auprès du mandataire et ne peuvent engager ou poursuivre aucune action individuelle sur ces sommes, même si un plan a été adopté par le tribunal. Seules les dettes postérieures peuvent donner lieu à une action directe devant un juge. La vigilance sur ces délais protège aussi bien les droits des créanciers que ceux de l’entreprise en difficulté.
Sources et références : cassation commerciale, 15 janvier 2025, n° 23-21768