Contestation du non-respect du droit de préemption agricole : jusqu’à quand agir ?

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Par Nicolas

Le droit de préemption permet à l’exploitant agricole locataire d’acheter en priorité les parcelles agricoles qu’il loue, si le propriétaire décide de les vendre. Ce droit vise à protéger la stabilité de l’activité agricole et à éviter que le locataire ne perde ses terres du jour au lendemain. Lorsque ce droit n’est pas respecté lors d’une vente, l’exploitant risque de voir son outil de travail menacé. Comprendre comment fonctionne ce droit et comment le faire respecter s’avère essentiel pour tous les acteurs du monde agricole.

définition et conditions du droit de préemption

Le droit de préemption accorde au locataire exploitant agricole la priorité pour acheter une parcelle mise en vente par le propriétaire. Trois conditions doivent être réunies :

  • exercice de la profession agricole depuis au moins trois ans sur la parcelle concernée ;
  • exploitation personnelle ou familiale, c’est-à-dire que le locataire ou sa famille doit exploiter directement la terre ;
  • contrat de bail rural valide.

Ce mécanisme protège le locataire qui investit dans l’exploitation et limite les risques de perte soudaine des terres exploitées. Le propriétaire reste libre de vendre, mais il doit respecter ce droit qui équilibre les intérêts des deux parties.

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le mécanisme de contestation en cas de violation

Quand un propriétaire vend une parcelle agricole louée sans respecter le droit de préemption, l’exploitant peut demander l’annulation de la vente devant un tribunal. Cette action vise à protéger ses droits et à garantir qu’il puisse acquérir les terres exploitées dans les mêmes conditions que celles proposées à tout autre acheteur.

La procédure repose sur la preuve du non-respect du droit. L’exploitant doit montrer qu’il n’a pas été informé, ou que la vente a eu lieu sans qu’il ait pu exercer son droit.

le point précis du délai pour agir

La loi fixe un délai court pour agir : le locataire dispose de six mois pour saisir la justice après avoir eu connaissance de la date précise de la vente. Ce point fait toute la différence : il ne suffit pas que l’exploitant sache qu’une vente a eu lieu, il faut qu’il connaisse sa date exacte.

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Ce tableau synthétise les éléments déclenchant le délai :

situationdébut du délai (6 mois)
L’exploitant apprend l’existence d’une vente sans connaître sa date exacteDélai non déclenché
L’exploitant reçoit une notification écrite avec la date précise de la venteDélai déclenché à partir de cette réception
Vente publiée officiellement (ex : publicité foncière) mais sans notification expresse au locataireDélai non déclenché

l’apport des décisions récentes de justice

La décision du 30 mai 2024 rendue par la troisième chambre civile de la cour de cassation (n°21-21366) vient clarifier ce point. Les juges rappellent que seule la connaissance effective, par le locataire, de la date précise de la vente fait courir le délai d’action. La simple information sur l’existence d’une transaction ne suffit pas.

Dans cette affaire, vendeur et acquéreur soutenaient que des échanges écrits avec le notaire prouvaient que le locataire connaissait la vente depuis plus de six mois. Les juges ont rejeté cet argument car il n’était pas démontré que le locataire avait été informé de la date même de signature. Ainsi, seuls des documents clairs envoyés au locataire peuvent constituer une preuve suffisante. La publication officielle ne suffit jamais.

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conséquences pratiques

Pour les parties, ces règles créent une situation où il devient très difficile pour un vendeur ou un acquéreur d’opposer une prescription si le locataire n’a pas été formellement informé par écrit de la date exacte. Tant qu’aucune preuve concrète n’existe, le recours reste possible pendant plusieurs années.

Voici quelques précautions utiles :

  • vendeurs et notaires : adresser une notification écrite et datée au locataire pour sécuriser juridiquement la transaction ; conserver toute preuve d’envoi.
  • locataires : conserver toutes correspondances reçues et noter précisément les dates d’information.
  • acquéreurs : vérifier auprès du notaire que toutes notifications ont bien été faites avant l’achat.

Cette vigilance évite des litiges longs et coûteux liés à un défaut d’information.

bilan et perspectives sur l’information du locataire agricole

L’information claire du locataire exploitant agricole, documentée et datée, constitue une garantie forte pour toutes les parties lors d’une vente. Sans preuve formelle, une remise en cause ultérieure reste toujours possible, ce qui fragilise les transactions. Pour renforcer la sécurité juridique, chacun gagne à formaliser chaque étape liée au respect du droit de préemption. Une évolution législative pourrait venir préciser encore davantage les modalités d’information pour réduire les risques contentieux et sécuriser l’activité agricole comme les investissements fonciers.

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