Lorsqu’une entreprise décide de mettre fin à une relation commerciale établie avec un partenaire, elle doit respecter un préavis suffisant. Ce délai vise à permettre au partenaire de s’adapter, de rechercher d’autres clients ou de revoir son organisation interne. Un manquement à cette obligation expose l’entreprise à devoir verser des dommages-intérêts. Mais la question se pose souvent : les conditions commerciales doivent-elles rester identiques pendant toute la durée du préavis ? La règle ne connaît pas d’application systématique. Certaines situations permettent en effet d’adapter ces conditions sans que la rupture ne soit considérée comme brutale.
obligation de maintien des conditions pendant le préavis
Pendant toute la durée du préavis, la société qui initie la rupture doit maintenir la relation commerciale selon les conditions qui existaient avant l’annonce de la rupture. Cela signifie que les prix, les volumes commandés, les délais de paiement et les modalités logistiques restent inchangés par rapport à l’accord en vigueur avant notification.
Exemples concrets de maintien des conditions :
- Une entreprise continue de commander auprès de son fournisseur les mêmes quantités mensuelles qu’avant le préavis.
- Les tarifs appliqués restent ceux fixés dans le contrat ou dans les usages convenus.
- Les délais de paiement et modes de livraison ne subissent aucune modification.
Si l’entreprise qui souhaite rompre la relation réduit fortement ses commandes ou modifie unilatéralement une condition essentielle, elle risque d’être sanctionnée pour rupture brutale de relation commerciale établie. Les juges veillent en effet à ce que le partenaire dispose d’un temps d’adaptation réel, sans subir de perte immédiate ou déséquilibre soudain.
adaptations possibles : les circonstances particulières
Le principe du maintien des conditions connaît des limites. Certaines situations, qualifiées de circonstances particulières, permettent à l’auteur de la rupture d’adapter, voire de modifier, certaines conditions pendant le préavis.
Définition des circonstances particulières selon la jurisprudence :
- Survenance d’événements externes affectant fortement le marché ou la relation.
- Accord entre les parties sur une réorganisation progressive.
- Octroi par l’auteur du préavis d’un délai remarquablement long pour faciliter l’adaptation du partenaire.
La jurisprudence reconnaît qu’un préavis remarquablement long peut justifier une adaptation des conditions. L’objectif reste que le partenaire ne subisse pas une rupture trop soudaine et ait le temps suffisant pour réorganiser son activité.
exemple d’adaptation liée à un préavis long
Lorsque l’auteur du préavis informe son partenaire très en amont et lui laisse plusieurs années pour se préparer, il peut ajuster peu à peu certains paramètres contractuels (comme les volumes commandés). Ce schéma n’est admis que si la durée du préavis dépasse largement celle prévue par les usages professionnels.
illustration jurisprudentielle récente
Dans une affaire récente (cassation commerciale, 19 mars 2025, n° 23-23507), un distributeur d’articles de sport a notifié à un fournisseur d’appareils d’électrostimulation une baisse progressive des achats, suivie d’une annonce anticipée de rupture.
Détail des faits principaux :
Période | Achat annuel annoncé ( €) |
---|---|
2017 | 800 000 |
2018 | 600 000 (-15 %) |
2019 | 500 000 |
2020 | 200 000 |
Dès 2021 | Achat stoppé (fin relation) |
Le fournisseur a contesté cette démarche, estimant que la baisse progressive constituait une rupture brutale. Les juges ont rappelé deux points essentiels :
- La première baisse reste limitée (15 %).
- Le préavis total accordé s’étend sur près de trois ans (35 mois), bien plus long que le délai usuel dans la profession (deux ans).
Face à ce contexte, ils ont jugé que le distributeur pouvait adapter peu à peu ses commandes et que la rupture n’était pas brutale. L’octroi d’un tel délai constitue ici une circonstance particulière qui autorise l’auteur du préavis à ne pas maintenir strictement toutes les anciennes conditions.
anticiper et sécuriser la gestion du préavis lors d’une rupture commerciale établie
La gestion d’une rupture commerciale établie demande anticipation et rigueur. Formaliser chaque étape sécurise juridiquement la démarche et limite le risque contentieux. Le respect d’un préavis adapté, allié au maintien des conditions sauf circonstances particulières reconnues, évite toute qualification de « rupture brutale ». La durée du préavis joue un rôle clé : un délai long peut ouvrir la voie à une adaptation progressive des engagements. Avant toute modification pendant ce laps de temps, il convient donc d’évaluer si les circonstances s’y prêtent et si elles respectent l’équilibre contractuel prévu par la jurisprudence récente.