Assurance-vie : un revirement majeur sur le changement de bénéficiaire

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Par Nicolas

La clause bénéficiaire dans un contrat d’assurance-vie permet à la personne qui souscrit le contrat de choisir qui recevra les sommes placées à son décès. Cette désignation peut concerner un ou plusieurs proches, ou même des personnes sans lien familial. Il reste possible de changer ce bénéficiaire à tout moment pendant la vie du contrat. Les règles entourant ce changement ont évolué récemment, notamment sur le rôle de l’assureur et sur la manière dont la volonté du souscripteur doit être prise en compte. Ce point soulève des questions sur la sécurité juridique des modifications et sur les démarches à suivre pour éviter les erreurs lors du versement des capitaux.

le cadre juridique antérieur à la décision de 2025

Jusqu’à récemment, la jurisprudence imposait une condition claire : pour que le changement de bénéficiaire en assurance-vie soit valable, l’assureur devait en être informé avant le décès du souscripteur. Cette règle visait à garantir la sécurité des opérations de versement des fonds.

Les arrêts rendus le 13 juin 2019 et le 10 mars 2022 par la Cour de cassation illustraient cette position  : l’information préalable de l’assureur constituait une étape nécessaire pour valider la modification de la clause bénéficiaire. Si le souscripteur exprimait sa volonté par testament ou par avenant mais que l’assureur n’était pas prévenu avant son décès, la substitution n’était pas considérée comme pleinement valable.

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l’affaire récente et son contexte

Un épargnant avait ouvert deux contrats d’assurance-vie, respectivement en 1998 et 2004. En mai 2014, il modifie les deux clauses bénéficiaires et désigne une seule personne, Mme U. Puis, en janvier 2015, il remplit de nouveaux formulaires afin d’ajouter près d’une dizaine de personnes à la liste des bénéficiaires, dont Mme U.

À son décès en avril 2019, l’assureur verse tous les capitaux à Mme U uniquement. Après avoir pris connaissance tardivement du dernier changement, l’assureur engage une action contre Mme U pour récupérer les sommes versées au titre des autres bénéficiaires oubliés lors du règlement. Le litige porte alors sur une question précise  : la substitution opérée par le souscripteur est-elle valable si l’assureur n’a pas été informé avant le décès  ?

raisonnement et portée de la nouvelle décision

La Cour de cassation rend sa décision le 3 avril 2025 (n° 23-13803). Elle considère que «  la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie […] suppose seulement, pour sa validité, que la volonté du contractant soit exprimée d’une manière certaine et non équivoque  ». Aucune formalité particulière n’est exigée.

Cela signifie que la validité du changement repose sur la clarté de la volonté du souscripteur, peu importe si l’assureur a été informé avant le décès. La Cour précise aussi que l’information préalable de l’assureur ne concerne que l’opposabilité : si l’assureur n’a pas eu connaissance du changement et agit de bonne foi en réglant le capital à l’ancien bénéficiaire, il est libéré de ses obligations.

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Deux notions sont donc distinguées :

validitéopposabilité
Dépend uniquement de l’expression claire et non équivoque de la volonté du souscripteur (avenant ou testament).Nécessite que l’assureur ait connaissance du changement pour appliquer correctement les instructions lors du versement.

conséquences pratiques pour chaque acteur

Pour les souscripteurs
Ce revirement offre plus de souplesse. Désormais, il suffit que leur volonté soit claire pour qu’un changement soit juridiquement valable. Ils peuvent utiliser un avenant simple ou rédiger un testament authentique ou olographe.

Pour garantir cette expression sans contestation possible, il reste conseillé d’utiliser des écrits datés et signés. La modification peut se faire par :

  • Avenant adressé à l’assureur (lettre simple)
  • Testament olographe (rédigé à la main)
  • Testament authentique (devant notaire)

Pour les bénéficiaires
Ils peuvent faire valoir leurs droits si un document prouve leur désignation même si l’assureur n’en a pas eu connaissance avant le décès.

Pour les assureurs
Si un paiement intervient au profit d’un ancien bénéficiaire faute d’information sur une nouvelle désignation, ce paiement reste libératoire s’il a été fait de bonne foi. L’assureur ne peut donc pas être systématiquement tenu responsable si une modification lui a échappé lorsque celle-ci n’a pas été portée à sa connaissance.

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Encadré pratique  :
étapes pour modifier un bénéficiaire en assurance-vie

  1. Rédiger clairement sa volonté (avenant ou testament)
  2. S’assurer que le document est daté et signé
  3. Transmettre ce document à son assureur (recommandé mais non obligatoire pour la validité)
  4. Garder une copie personnelle ou en remettre une à un notaire ou proche de confiance
  5. S’informer régulièrement auprès de l’assureur sur la prise en compte effective des modifications

ce qu’il faut retenir sur le changement de bénéficiaire en assurance-vie

Le revirement opéré par la Cour de cassation simplifie les démarches pour changer le bénéficiaire en assurance-vie. Seule compte désormais la preuve écrite d’une volonté claire et non équivoque du souscripteur. L’information préalable donnée à l’assureur n’est plus requise pour rendre ce changement valable sur le plan juridique ; elle demeure utile afin d’éviter toute difficulté lors du règlement des capitaux.

Cette évolution offre plus de liberté aux souscripteurs mais impose aussi une vigilance accrue quant à la conservation et à la communication des documents attestant leur choix. En cas d’oubli ou d’erreur dans l’information transmise à l’assureur, le paiement au mauvais bénéficiaire pourra difficilement être remis en cause si ce dernier a agi sans mauvaise foi.

Pour agir sereinement, privilégier toujours un écrit daté et signé, informer autant que possible son assureur et conserver précieusement toutes les preuves relatives au dernier choix effectué.

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