La période d’essai fait partie intégrante du contrat de travail. Elle sert à vérifier si le salarié possède les compétences requises pour le poste visé, tout en laissant à chacun la possibilité de rompre le contrat plus facilement. Sa durée varie selon l’emploi, souvent entre un et quatre mois, renouvellement possible compris. Pour l’employeur, elle permet de tester en conditions réelles l’aptitude d’un nouvel arrivant. Le salarié, lui, peut juger si ses missions et l’environnement conviennent à ses attentes.
Une actualité récente vient enrichir ce cadre légal. La Cour de cassation a statué sur la nécessité, pour l’employeur, de prendre en compte les périodes antérieures où il a pu jauger les compétences professionnelles d’un salarié, même si cette évaluation s’est faite alors que la personne travaillait comme indépendant. Ce point fait suite à une affaire opposant une entreprise à une agente commerciale passée du statut d’auto-entrepreneur à celui de salariée sur un poste similaire, avec débat sur la validité de la période d’essai prévue dans son nouveau contrat.
le cadre juridique de la période d’essai et sa nouvelle évolution
La période d’essai, prévue dès la signature du contrat, vise à permettre à l’employeur d’évaluer les capacités réelles du nouvel embauché sur le poste proposé. La règle veut qu’elle ne serve jamais à jauger des compétences déjà observées et connues par l’entreprise.
Jusqu’à récemment, seuls les emplois antérieurs au sein de l’entreprise sous forme de contrat à durée déterminée, d’intérim, ou parfois de stage étaient pris en compte pour réduire ou supprimer la période d’essai ultérieure. L’idée était que si un salarié a déjà exercé des fonctions identiques ou proches dans l’entreprise, il n’est pas justifié de refaire une évaluation sur la même base.
La nouveauté introduite par la décision du 29 avril 2025 (Cassation sociale n° 23-22389) concerne le cas où l’expérience professionnelle passée a eu lieu sous statut d’indépendant. Désormais, si cette expérience a permis à l’employeur de mesurer concrètement les compétences sur le poste visé, elle doit aussi être prise en compte pour fixer (ou supprimer) la période d’essai.
illustration par un cas concret : l’affaire de l’agente commerciale
Une société collabore dix mois avec une agente commerciale sous le régime d’auto-entrepreneur. Les missions confiées sont proches de celles du poste salarié qui lui est proposé ensuite en CDI : agenceuse vendeuse. Un contrat avec période d’essai de deux mois est signé. L’employeur met fin au contrat avant le terme.
La salariée saisit alors les tribunaux. Elle avance que son employeur connaissait déjà ses compétences professionnelles du fait des missions réalisées auparavant comme indépendante. À ses yeux, la période d’essai n’a donc pas lieu d’être.
La cour d’appel valide initialement la position de l’employeur : puisque les précédentes missions relevaient du statut indépendant et non salarié, elles ne compteraient pas dans le décompte. Or, la Cour de cassation casse cette décision. Elle juge que toute relation professionnelle antérieure ayant permis une évaluation concrète des compétences doit être prise en compte dans le calcul et la validité de la période d’essai.
analyse et portée de cette décision
Cette jurisprudence répond à plusieurs enjeux :
- soutenir un parcours professionnel continu : elle évite qu’un salarié doive repasser systématiquement par une période probatoire sur des tâches déjà éprouvées dans l’entreprise.
- limiter les abus liés aux périodes probatoires : elle protège contre la multiplication injustifiée des périodes d’essai pour un même poste.
- distinguer l’intitulé du contrat et l’évaluation réelle : seul compte le fait que l’employeur a effectivement pu observer les compétences sur le poste visé.
Toutefois, chaque situation reste unique. Les juges examinent au cas par cas si :
- Les missions confiées précédemment sont identiques ou proches du nouveau poste.
- L’évaluation des capacités professionnelles a bien eu lieu lors des collaborations antérieures.
Le rôle du contenu effectif des tâches et non seulement du titre donné au contrat devient alors central.
impacts pratiques pour employeurs et salariés
Employeurs, voici quelques points à vérifier :
Démarche | Description |
---|---|
Anciens liens contractuels | Lister toutes collaborations passées avec le futur salarié (CDD, intérim, indépendant…) |
Tâches réalisées | Détailler les missions effectuées lors de ces périodes antérieures |
Évaluation professionnelle réelle | S’assurer qu’une appréciation concrète des compétences a été possible lors des précédentes missions |
Période d’essai adaptée | Ajuster ou supprimer la période d’essai selon ce qui précède ; motiver ce choix dans le contrat écrit |
Salariés, il est conseillé :
- D’inventorier précisément toutes expériences passées auprès du même employeur.
- D’apporter toute preuve utile (contrats, missions réalisées) montrant que les compétences ont déjà été évaluées.
- D’échanger avec l’employeur en amont pour clarifier si leur expérience passée sera prise en compte dans le nouveau contrat.
bilan et perspectives après cette évolution jurisprudentielle
Cette évolution place désormais sur un pied d’égalité toutes formes d’expériences professionnelles acquises auprès d’un même employeur lorsqu’elles ont permis une réelle évaluation des aptitudes sur un poste identique ou proche. Le contenu du travail accompli prime sur le type de contrat utilisé auparavant.
Le litige ayant motivé ce changement n’est pas clos : il revient devant les juges qui devront apprécier justement si les tâches exercées comme auto-entrepreneur correspondaient bien au poste salarié visé par la période d’essai contestée.
Employeurs et salariés doivent désormais s’assurer ensemble que toute expérience passée susceptible de faire tomber une nouvelle période probatoire soit clairement identifiée lors de la signature du contrat.