Le droit de rétractation reconnu à une société civile de moyens : analyse d’une décision récente

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Par Nicolas

Le droit de rétractation permet à certaines entreprises de revenir sur un engagement pris à distance ou hors établissement. Dans le contexte des relations entre professionnels, ce droit reste souvent méconnu ou mal compris, en particulier pour les structures spécifiques comme la société civile de moyens (scm). La scm joue un rôle central pour les métiers libéraux, en mettant en commun des ressources matérielles ou humaines sans exercer d’activité commerciale propre. Récemment, une question s’est posée : une scm peut-elle se prévaloir du droit de rétractation lors d’un contrat passé à distance  ? Un arrêt inédit de la Cour de cassation vient d’apporter une réponse claire et vient éclairer la pratique.

le cadre légal du droit de rétractation entre professionnels

Le droit de rétractation concerne tout professionnel qui signe un contrat hors établissement, c’est-à-dire à distance ou en dehors de ses locaux habituels. Ce droit est ouvert si deux conditions sont réunies :

  • L’entreprise emploie cinq salariés au maximum.
  • L’objet du contrat ne touche pas l’activité principale de l’entreprise.

Ces règles s’appliquent aussi aux personnes morales comme les sociétés, dont les sociétés civiles de moyens. Cette possibilité vise à protéger les structures qui ne disposent pas toujours des mêmes moyens que les grandes entreprises pour négocier ou examiner un contrat reçu à distance.

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spécificités de la société civile de moyens et question du droit de rétractation

La société civile de moyens (scm) regroupe plusieurs professionnels libéraux (avocats, médecins, kinésithérapeutes…). Son objet n’est pas d’exercer leur métier à leur place, mais de mutualiser des outils ou des services : bureaux, matériel, secrétariat. La signature d’un contrat par une scm, notamment à distance, soulève donc la question : cette structure peut-elle exercer le droit de rétractation, ou bien son objet même l’en prive-t-il  ?

retour sur l’affaire récente ayant clarifié la règle

Un litige récent vient donner un éclairage concret. Une scm composée de masseurs-kinésithérapeutes a signé en ligne un contrat pour louer un photocopieur. Par la suite, elle souhaite faire valoir son droit de rétractation.

La cour d’appel retient que la location d’un photocopieur fait partie intégrante du rôle d’une scm, puisque fournir ce type de matériel correspond à son objet social. Selon ce raisonnement, il ne s’agit donc pas d’une prestation étrangère à son activité principale.

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analyse détaillée de la position de la cour de cassation

La cour de cassation, saisie du dossier (Cass. com., 30 avril 2025, n° 24-10316), adopte une lecture différente. Elle considère que l’activité principale à examiner n’est pas celle décrite dans les statuts de la scm, mais bien celle des associés eux-mêmes. Ici, il s’agit donc du métier exercé par les membres : masseur-kinésithérapeute.

Or, louer un photocopieur ne relève pas du cœur du métier des associés. Il s’agit d’un moyen logistique et non d’une activité professionnelle principale. La scm, dans cette configuration, remplit alors les conditions du droit de rétractation. Elle peut donc annuler le contrat dans le délai légal.

condition examinéedétail retenu par la cour de cassation
souscripteur professionnel avec moins de 5 salariésoui (scm concernée)
contrat hors champ activité principale des associésoui (location photocopieur ≠ activité kinésithérapie)
droit de rétractation applicable  ?oui (14 jours pour se rétracter)

portée pratique et conséquences pour les scm et professions libérales

La portée pratique est large pour toutes les structures similaires. Les dirigeants et membres d’une société civile de moyens peuvent désormais envisager l’exercice du droit de rétractation, sous réserve que le contrat concerné ne porte pas sur leur activité professionnelle principale.

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Pour sécuriser leurs choix contractuels, il convient donc :

  • d’identifier clairement l’activité principale des associés lors de chaque signature ;
  • d’analyser si le service ou le bien loué ou acheté sert directement à cette activité ou seulement comme moyen logistique ;
  • d’informer tous les membres sur leurs droits et modalités pratiques pour exercer la rétractation.

Cette décision réduit le risque juridique lié à certains engagements pris trop vite et conforte la protection offerte aux petites structures libérales.

bénéfices apportés par cette jurisprudence aux sociétés civiles de moyens

L’arrêt récent apporte une clarification utile pour toutes les personnes impliquées dans une société civile de moyens. Il devient plus simple pour ces structures et leurs membres d’anticiper leurs droits lors d’un engagement contractuel pris hors établissement. En cas d’incertitude sur l’application précise du texte, il reste conseillé de consulter un professionnel qualifié pour vérifier si le droit à rétractation s’applique au cas concret rencontré.

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