Le bail commercial régit la relation entre un bailleur et un locataire autour d’un contrat de location portant sur des locaux destinés à l’activité professionnelle. Au cœur de ce contrat, une règle : l’obligation de délivrance. Cette exigence pèse sur le bailleur commercial, qui doit remettre au locataire un local conforme à l’usage prévu, en bon état, et veiller à ce que le local reste adapté tout au long du bail. Comprendre cette obligation aide à prévenir les litiges et à sécuriser la vie du contrat.
le cadre légal de l’obligation de délivrance
La loi impose au bailleur commercial de délivrer au locataire un local en bon état de réparations de toute espèce. Dès la prise de possession, le local doit répondre aux attentes prévues par le contrat, tant pour sa structure que pour ses équipements essentiels. Le code civil précise que le local doit permettre l’exercice normal de l’activité prévue.
L’obligation d’entretien complète ce cadre : pendant toute la durée du bail, le bailleur commercial doit effectuer toutes les réparations nécessaires qui ne relèvent pas des réparations dites locatives (petites réparations courantes). Il s’agit, par exemple, des travaux liés à la toiture, à l’étanchéité ou aux réseaux collectifs.
Voici un tableau simple pour distinguer les types de réparations :
| Type de réparation | À la charge du bailleur | À la charge du locataire |
|————————| :———————- 😐 :———————— 😐
| Structure (murs, toit) | Oui | Non |
| Réseaux collectifs | Oui | Non |
| Petites réparations | Non | Oui |
| Entretien courant | Non | Oui |
nuances apportées par les clauses contractuelles
Le contrat de location peut moduler certaines obligations légales. Parfois, une clause prévoit que certains travaux ou réparations seront pris en charge par le locataire. Cela concerne souvent les petites réparations ou l’entretien courant comme le nettoyage des vitrines ou la maintenance de certains équipements intérieurs.
Exemples typiques d’aménagements dans un bail commercial :
- Prise en charge par le locataire du remplacement des ampoules ou des poignées
- Entretien annuel des équipements de chauffage confié au locataire
- Réparations dues à une mauvaise utilisation prises en charge par le locataire
Ces aménagements ne peuvent jamais transférer au locataire des charges qui reviennent normalement au bailleur commercial, comme une réfection complète du toit ou la remise aux normes structurelles du bâtiment.
les limites à ces aménagements
Le droit impose une limite claire : aucune clause ne peut priver le bailleur commercial de son rôle principal. Même si certaines réparations sont mises à la charge du locataire, cela ne peut aboutir à exonérer totalement le propriétaire de son obligation essentielle. L’obligation de délivrance ne peut être vidée de sa substance.
La jurisprudence rappelle régulièrement qu’un contrat ne doit pas avoir pour effet de dispenser purement et simplement le bailleur de ses devoirs. Toute clause qui viderait l’obligation principale risquerait d’être annulée par un juge si elle crée un déséquilibre manifeste dans les droits et devoirs des parties.
focus sur les clauses de non-recours
Une clause dite « de non-recours » prévoit que le locataire renonce à rechercher la responsabilité du bailleur commercial, notamment en cas de sinistre ou de privation d’usage des lieux loués. Dans certains contrats, cette clause va jusqu’à prévoir que le locataire n’aura aucun recours contre le propriétaire pour des pertes subies dans les lieux loués.
Un cas récent a mis cette question en lumière : après avoir subi des infiltrations d’eau dans des bureaux loués, un locataire a demandé réparation auprès du propriétaire. Une clause du contrat prévoyait pourtant que le locataire renonçait « à tout recours contre le bailleur » pour divers dommages subis dans les locaux.
analyse et portée de la décision récente
Les juges du fond (cour d’appel) avaient d’abord estimé que cette clause empêchait toute indemnisation fondée sur un défaut d’obligation de délivrance. Selon eux, le locataire ne pouvait réclamer réparation au propriétaire en raison de cette renonciation générale inscrite dans le bail.
La cour de cassation a censuré cette position (Cass. civ. 3e, 10 avril 2025, n° 23-14974). Elle rappelle qu’une telle clause ne peut pas exonérer totalement le bailleur commercial de son obligation essentielle. Même si une clause prévoit un non-recours, elle ne saurait faire obstacle à l’indemnisation d’un locataire si le local n’a pas été délivré en bon état ou entretenu conformément à la loi.
conséquences pratiques pour les parties au contrat
Lorsqu’un nouveau bail est négocié ou renouvelé, propriétaires et locataires doivent vérifier précisément les clauses relatives à l’état du local et aux responsabilités respectives. Il est conseillé :
- De décrire clairement l’état initial du local dans un état des lieux précis
- D’écrire avec clarté quelles réparations relèvent du propriétaire et lesquelles incombent au locataire
- De refuser toute clause visant à exonérer totalement le propriétaire de son obligation principale
- De rester attentif aux clauses dites « de non-recours » qui pourraient limiter indûment les droits du locataire
Un dialogue franc lors de la rédaction permet d’éviter des litiges futurs et protège chaque partie contre les mauvaises surprises.
respecter l’obligation essentielle du bailleur : un enjeu majeur pour l’équilibre contractuel
Le respect par le bailleur commercial de son obligation essentielle assure au locataire la possibilité d’exploiter sereinement les locaux loués. Ignorer cette obligation expose à des risques juridiques sérieux : remise en cause du bail, indemnisation ou même résiliation judiciaire du contrat. La vigilance lors de la négociation et la rédaction du contrat reste donc indispensable pour garantir une relation équilibrée et stable entre propriétaire et exploitant.