Locaux commerciaux loués : dans quels cas le locataire peut-il exercer son droit de préemption lors d’une vente ?

Photo of author

Par Nicolas

La vente d’un local commercial occupé par un locataire commerçant ou une entreprise soulève souvent des questions sur les droits de chacun. Quand le propriétaire décide de vendre, le droit de préemption, aussi appelé droit de préférence, peut permettre au locataire d’acheter en priorité le local qu’il occupe. Ce mécanisme vise à protéger l’activité du locataire tout en encadrant la liberté du propriétaire de vendre son bien. La jurisprudence récente, notamment un arrêt du 19 juin 2025, vient préciser les contours de ce droit et ses limites, modifiant ainsi la pratique pour de nombreux acteurs.

présentation du droit de préemption

Le droit de préemption désigne la priorité donnée au locataire d’un bail commercial pour acheter le local commercial qu’il occupe si le propriétaire souhaite le vendre. Ce droit a pour but d’assurer la stabilité du commerce ou de l’entreprise exploitée dans ces lieux.

En principe, lors de la mise en vente d’un local soumis à un bail commercial, le locataire bénéficie d’une priorité d’achat sur tout autre acquéreur potentiel. Le propriétaire ne peut donc pas vendre à un tiers sans avoir préalablement proposé la vente au locataire.

Responsabilité des dirigeants en liquidation judiciaire : distinction entre faute de gestion et négligence

Le propriétaire a l’obligation d’informer son locataire par une lettre recommandée avec accusé de réception. Cette notification doit contenir toutes les conditions essentielles de la vente (prix, modalités de paiement, etc.), car elle vaut offre ferme.

procédure à suivre en cas de vente

Plusieurs étapes doivent être respectées pour que le processus soit valable :

  • notification officielle : le propriétaire envoie au locataire une lettre recommandée avec accusé de réception mentionnant toutes les conditions de la vente ;
  • délai de réponse : à partir de la réception de l’offre, le locataire dispose d’un mois pour répondre ;
  • réalisation de la vente : si le locataire accepte, il a deux mois pour signer l’acte définitif ; ce délai passe à quatre mois s’il doit obtenir un prêt bancaire.

Exemple récapitulatif des principaux délais  :

ÉtapeDélai accordé au locataire
Réponse à l’offre du propriétaire1 mois à compter de la réception
Souscription définitive (sans prêt)2 mois après acceptation
Souscription définitive (avec prêt)4 mois après acceptation

Si le locataire n’accepte pas dans les délais, il perd son droit et le propriétaire peut vendre à un tiers selon les mêmes conditions.

exceptions au droit de préemption

Certains cas excluent l’application du droit de préférence du locataire. Le plus courant concerne la cession globale d’un immeuble comprenant plusieurs locaux commerciaux. Si le propriétaire vend tout l’immeuble et non seulement le local occupé, aucun des locataires commerciaux n’a de priorité sur l’achat.

Les enjeux juridiques pour les associations face à l'obligation d'inscription comme représentants d'intérêts

La jurisprudence va plus loin  : même si l’immeuble mis en vente ne comporte qu’un seul local commercial et que cette partie est louée par bail commercial, il n’existe pas non plus de droit de préférence pour le locataire si la vente porte sur l’immeuble entier.

Exemples où il n’y a pas de droit de préemption  :

  • Cession globale d’un immeuble composé d’un ou plusieurs locaux commerciaux ;
  • Mise en vente d’un immeuble entier comportant un seul local commercial loué.

analyse et portée de la décision récente

L’arrêt rendu par la Cour de cassation (civile 3e, 19 juin 2025, n° 23-19292) clarifie une incertitude juridique qui existait jusqu’alors. La haute juridiction précise que même dans un immeuble composé d’un seul local commercial loué, dès lors que la cession porte sur l’ensemble immobilier — et pas uniquement sur le local — aucun droit de préférence ne s’applique au bénéfice du locataire.

Cette décision signifie qu’un propriétaire qui vend tout son immeuble (même s’il ne contient qu’un seul local commercial loué) n’est pas tenu d’offrir ce bien en priorité au locataire commerçant.

Quand un couple de dirigeants part à la retraite : focus sur l'abattement fiscal

Exemple concret  : une entreprise occupe en location un rez-de-chaussée commercial dans un petit immeuble constitué uniquement d’appartements et du commerce. Si le propriétaire décide de vendre tout l’immeuble (commerces et logements), aucun des locataires n’aura priorité pour acquérir leur lot respectif, même si l’immeuble entier ne comprend qu’un seul commerce.

Ce recentrage limite donc sensiblement l’étendue du droit de préemption des commerçants et impose une vigilance accrue tant aux propriétaires qu’aux locataires lors des projets immobiliers impliquant des baux commerciaux.

synthèse et recommandations pratiques pour propriétaires et locataires commerciaux

Le dispositif du droit de préemption accorde au locataire commerçant une priorité pour acheter son local lors d’une vente isolée mais s’efface dès que la cession porte sur l’ensemble immobilier dont il dépend. Les dernières évolutions jurisprudentielles montrent que ce droit reste strictement encadré et ne couvre pas toutes les situations possibles. Propriétaires comme locataires doivent donc bien vérifier les modalités précises applicables à leur dossier avant toute démarche afin d’éviter malentendus ou contentieux. Une bonne anticipation permet souvent une transaction fluide et conforme aux règles actuelles.

Laisser un commentaire