Reprise d’actes par une société en formation : validité malgré un changement ultérieur de dénomination sociale

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Par Nicolas

Avant son inscription au registre du commerce et des sociétés, une société en formation ne possède pas la personnalité morale. Cette absence signifie qu’elle n’existe pas encore juridiquement et ne peut donc pas agir elle-même. Durant cette période, ce sont les futurs associés qui réalisent les actes nécessaires pour permettre à la future société de démarrer son activité, comme la signature d’un bail ou un prêt bancaire. Ces démarches servent à préparer le lancement de la structure dès que son immatriculation sera effective.

principes de la société en formation et reprise d’actes

Une société en formation ne dispose pas de capacité juridique pour conclure des contrats ou s’engager en son propre nom. Cette limite s’explique par l’absence de personnalité morale avant l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (rcs). Les actes nécessaires à sa création sont donc pris en charge par les futurs associés, qui agissent « pour le compte de la société en formation ».

Le mécanisme de reprise d’actes permet ensuite d’intégrer ces engagements dans le patrimoine de la société une fois qu’elle existe juridiquement. Deux modes principaux existent :

Moment de la repriseType d’actes concernésMéthode
Avant la signature des statutsActes annexés aux statutsMention dans les statuts lors de la signature
Après la signature des statuts, avant immatriculationTous autres actes signés pour le compte de la future sociétéDécision spéciale des associés après immatriculation

Dans tous les cas, quand la société reprend un acte, celui-ci est réputé avoir été conclu par elle dès l’origine.

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enjeu du changement de dénomination sociale lors de la reprise d’actes

Une question spécifique se pose si la dénomination sociale inscrite sur un acte signé avant l’immatriculation ne correspond pas à celle finalement adoptée lors de l’inscription au rcs. Ce changement peut arriver quand le nom choisi initialement est modifié entre la signature des actes préparatoires et l’immatriculation.

Cette situation soulève des interrogations : les engagements pris sous une dénomination différente engagent-ils valablement la société une fois immatriculée ? Les partenaires contractuels peuvent-ils exiger une stricte correspondance du nom entre l’acte initial et celui repris après l’immatriculation ?

présentation d’une décision récente sur le sujet

Un contentieux récent illustre bien ce point. Dans cette affaire, des associés concluent un bail commercial sous le nom « L.P.L. » pour une société en formation. Après immatriculation au rcs, ils adoptent finalement « Les Petits Lascards » comme dénomination sociale. Le bail est alors repris par la nouvelle société.

La cour d’appel considère que ce changement de nom rend le bail nul, estimant qu’il existe une discordance entre le nom figurant sur l’acte initial et celui enregistré au rcs.

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analyse de l’arrêt rendu par la cour de cassation

La cour de cassation, dans une décision du 28 mai 2025 (n°24-13370), adopte une position différente. Elle valide la reprise du bail par la société immatriculée sous sa nouvelle dénomination sociale, tant qu’aucune fraude ni dol n’est caractérisé.

La cour estime que seule compte l’intention réelle des parties d’agir pour le compte de la société en formation, peu importe que celle-ci soit désignée sous un autre nom à son inscription officielle. La validité de l’acte n’est remise en cause que s’il existe une volonté frauduleuse ou trompeuse.

Points clés mis en avant par cet arrêt :

  • validité de la reprise d’actes même si le nom change après signature initiale
  • absence d’exigence d’identité stricte entre les noms dans l’acte et ceux enregistrés au rcs
  • importance accordée à l’absence de manœuvre frauduleuse ou intention dolosive

conséquences pratiques pour les professionnels et créateurs d’entreprise

Pour les praticiens du droit et créateurs d’entreprise, cette jurisprudence apporte plus de sécurité dans la phase délicate de formation. Les actes accomplis au nom d’une future société ne perdent pas leur efficacité si le nom change lors de l’immatriculation.

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Conseils pratiques à retenir :

  • s’assurer que tous les partenaires sont informés du projet réel et du changement éventuel de dénomination sociale
  • archiver tous les documents relatifs à la formation et à la reprise des actes pour prouver l’absence de volonté frauduleuse
  • vérifier que chaque acte précise clairement qu’il est réalisé « pour le compte d’une société en formation »
  • ne pas craindre un refus ou une contestation sur ce seul motif si un changement légitime intervient entre signature des actes et immatriculation officielle

Cette évolution sécurise ainsi nombre d’opérations qui pourraient être remises en cause lors du choix définitif du nom social.

bilan sur le changement de dénomination sociale et reprise d’actes par une société en formation

La solution retenue par la cour confirme que le changement de dénomination sociale entre la conclusion d’un acte et sa reprise lors de l’immatriculation n’entraîne pas sa nullité automatique. Seules des situations où existe un dol ou une fraude justifient une remise en cause. Ce principe répond aux besoins pratiques des porteurs de projet qui modifient parfois leur choix jusqu’à ce que leur inscription soit finalisée. Il rappelle aussi l’importance d’une information claire auprès des partenaires pour éviter tout malentendu.

Des cas similaires peuvent se présenter lors d’autres modifications intervenant avant immatriculation : adresse du siège, objet social… L’attention doit porter sur l’intention réelle des parties et non sur une concordance parfaite des mentions formelles entre chaque étape.

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