Liquidation judiciaire : le patrimoine du dirigeant écarté dans l’action en comblement de passif

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Par Nicolas

La liquidation judiciaire marque une étape délicate dans la vie d’une société. Cette procédure intervient lorsque l’entreprise ne peut plus faire face à ses dettes avec ses ressources disponibles. Les conséquences sont lourdes, notamment pour les dirigeants qui voient leur gestion passée scrutée. Lorsqu’il y a insuffisance d’actif – situation où les biens de la société ne couvrent pas le paiement de ses créanciers – le rôle et les actes du dirigeant prennent une place centrale. La question de la responsabilité du dirigeant se pose alors, surtout si des fautes de gestion sont relevées. Comprendre les contours de cette responsabilité et les critères retenus par les tribunaux permet de mieux saisir les enjeux liés à la gestion d’une entreprise en difficulté.

le cadre juridique de la responsabilité du dirigeant en liquidation judiciaire

Le code de commerce prévoit une action spécifique, nommée action en comblement de passif, que peut exercer le liquidateur judiciaire. Cette action vise les dirigeants qui ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif. Lorsqu’une telle faute est constatée, le dirigeant peut être amené à régler, sur ses propres fonds, tout ou partie des dettes non couvertes par l’actif de la société.
L’objectif de cette action est de protéger les créanciers et d’éviter qu’un dirigeant ne prenne des risques démesurés en sachant qu’il ne sera pas personnellement inquiété.
Voici les principales étapes de cette procédure  :

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ÉtapeDescription
Constat de l’insuffisance d’actifLe liquidateur relève que l’actif de la société ne couvre pas son passif
Recherche de faute de gestionAnalyse des décisions du dirigeant ayant pu aggraver la situation financière de l’entreprise
Action en comblement de passifSaisine du tribunal pour engager la responsabilité personnelle du dirigeant
Décision du tribunalDétermination du montant que le dirigeant doit verser

affaire récente : l’arrêt de la cour de cassation du 1er octobre 2025

La cour de cassation s’est penchée récemment sur une affaire emblématique  : un dirigeant d’une société en liquidation judiciaire est condamné à payer 182 000  €, somme correspondant à l’insuffisance d’actif constatée par le liquidateur judiciaire.
Le dirigeant conteste cette condamnation. Il demande aux juges de prendre en compte sa propre situation financière, arguant que la somme réclamée excède ses moyens. Selon lui, la contribution qu’il doit supporter devrait être ajustée en fonction de son patrimoine personnel et de ses revenus.

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le raisonnement des juges  : analyse de la décision

La cour de cassation écarte l’argument du dirigeant. Dans sa décision du 1er octobre 2025 (n° 23-12234), elle rappelle que le montant mis à la charge du dirigeant dépend uniquement du nombre et de la gravité des fautes de gestion commises, et non de sa capacité financière.
La juridiction ne doit donc pas tenir compte ni du patrimoine, ni des revenus, ni même de l’âge ou de la situation personnelle du dirigeant pour fixer la part qu’il doit verser au titre du comblement de passif.
Voici les critères retenus par le tribunal  :

  • nombre de fautes de gestion commises
  • gravité de chaque faute
  • lien direct entre ces fautes et l’insuffisance d’actif

Le tableau ci-dessous résume les éléments non pris en compte  :

Élément examiné par les jugesPris en compte pour fixer le montant  ?
Patrimoine du dirigeantNon
Revenus personnelsNon
Nombre/gratuité des fautesOui
Situation familialeNon

conséquences et précautions à prendre pour les dirigeants

La jurisprudence illustre les risques encourus par les dirigeants en cas de gestion défaillante. Une faute peut conduire à une obligation personnelle de payer tout ou partie des dettes sociales, sans considération pour la situation patrimoniale ou les revenus personnels.
Contrairement à certaines idées reçues, les tribunaux n’adaptent pas le montant à payer selon les ressources du dirigeant. Ce constat incite à une vigilance extrême dans la gestion quotidienne et à une documentation précise des décisions prises, surtout en période difficile.
Pour limiter les risques, quelques conseils pratiques  :

  • tenir une comptabilité claire et à jour
  • solliciter des avis extérieurs en cas de doute
  • éviter les engagements irréalistes ou risqués pour l’entreprise
  • anticiper les difficultés et alerter les associés ou actionnaires
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les éléments à retenir sur la responsabilité personnelle du dirigeant

La responsabilité personnelle du dirigeant lors d’une liquidation judiciaire repose sur l’existence et l’importance des fautes de gestion commises. Les juges ne tiennent pas compte du patrimoine ou des revenus du dirigeant pour fixer le montant dû au titre du comblement de passif. Ce principe renforce l’exigence d’une gestion prudente et transparente. Pour se prémunir contre ce risque, il reste judicieux de se former régulièrement, de solliciter des conseils et d’instaurer des procédures internes strictes. La prévention et l’anticipation sont les meilleurs alliés pour éviter une mise en cause personnelle.

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