Lors d’un achat en ligne ou par téléphone, le consommateur dispose d’un droit de rétractation qui permet de changer d’avis dans les 14 jours suivants la commande. Ce droit protège contre l’achat impulsif et offre un temps de réflexion. Pourtant, des exceptions existent. L’une des plus fréquentes concerne les biens réalisés sur mesure ou personnalisés selon la demande précise du client. La question se pose souvent : à partir de quand un produit est-il considéré comme personnalisé ? Une récente décision de la cour de cassation éclaire cette notion et ses conséquences pour le consommateur et le vendeur.
le droit de rétractation lors d’un achat à distance et son exception
Le code de la consommation prévoit que tout achat à distance donne droit à un délai de rétractation de 14 jours. Cette règle s’applique aux commandes passées sur internet, par téléphone, ou lors d’un démarchage hors magasin. Ce délai commence en général à compter du lendemain de la réception du bien ou de l’acceptation de l’offre pour une prestation de service.
Il existe des exceptions à ce droit. L’une d’elles concerne le bien confectionné selon les spécifications du consommateur ou « nettement personnalisé ». Lorsque le produit est créé spécialement pour répondre à une demande précise, le consommateur ne peut pas exercer ce droit.
définition et cadre légal des biens personnalisés
Un bien personnalisé est un objet fabriqué ou modifié selon les choix ou instructions du client. Le code de la consommation, dans son article L221-28, précise que le droit de rétractation ne s’applique pas aux contrats portant sur :
- La fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur
- Ou nettement personnalisés
Voici comment distinguer ces deux situations :
| type de personnalisation | droit de rétractation ? | 
|---|---|
| objet standard (aucune modification) | oui | 
| objet avec choix parmi options prévues au catalogue | oui (en principe) | 
| objet modifié sur mesure selon les indications du client (dimensions, texte, etc.) | non | 
Le caractère « nettement personnalisé » suppose un produit qui ne peut plus être revendu tel quel à d’autres clients.
une affaire récente : illustration par la jurisprudence
Récemment, la cour de cassation a examiné une affaire concernant la commande à distance d’un véhicule neuf. Un particulier avait versé un acompte pour commander une voiture auprès d’un professionnel, puis s’était rétracté treize jours plus tard en demandant le remboursement.
Le tribunal avait estimé que le véhicule était nettement personnalisé du fait que :
- Le vendeur sélectionnait les véhicules en fonction des besoins des clients.
- Aucune voiture n’était en stock.
- Les conditions générales du contrat excluaient expressément tout droit de rétractation.
Pour le tribunal, ces éléments suffisaient pour refuser au consommateur le droit de changer d’avis.
La cour de cassation n’a pas suivi cette analyse. Elle a jugé que ces arguments ne suffisaient pas à établir que le véhicule était « nettement personnalisé ». Pour être privée du droit de rétractation, la personnalisation doit aller au-delà du simple choix d’options standards proposées par le constructeur (couleur, équipements). La cour demande donc une analyse précise et concrète du degré réel de personnalisation.
exemples concrets : quand parle-t-on vraiment de bien personnalisé ?
Les juges distinguent plusieurs cas :
Produits considérés comme personnalisés :
- cartes de visite avec qr code unique et application associée
- rideaux sur-mesure fabriqués aux dimensions exactes demandées
- bague gravée avec un prénom ou une date spécifique
Produits où la personnalisation reste insuffisante :
- voiture choisie avec options standards (couleur, alarme)
- sac ou vêtement choisi dans une couleur proposée au catalogue sans autre modification notable
Dans ces derniers cas, le produit reste commercialisable à d’autres clients et n’est donc pas « nettement personnalisé ».
conséquences pratiques pour consommateurs et professionnels
Côté consommateur :
Avant toute commande impliquant une personnalisation possible, il convient de se poser les questions suivantes :
- L’ajout demandé rend-il le bien inutilisable ou invendable à autrui ?
- S’agit-il simplement d’une option parmi celles déjà prévues par le vendeur ?
- Les conditions générales précisent-elles clairement l’absence du droit de rétractation ?
Côté professionnel :
Il est conseillé d’informer clairement les clients dès la commande si leur achat entre dans l’exception liée à la personnalisation. Un tableau récapitulatif dans les conditions générales peut aider :
| type d’article commandé | droit de rétractation ? | 
|---|---|
| sweat-shirt brodé avec nom du client | non | 
| sweat-shirt couleur standard sans ajout ni modification | oui | 
Dans tous les cas, la clarté des informations contractuelles limite les risques de litiges.
synthèse et conseils pour sécuriser ses achats à distance personnalisés
Le principe du droit de rétractation vise à protéger l’acheteur lors d’un achat à distance. Cette protection ne joue pas si le bien est véritablement « personnalisé » au sens strict retenu par la jurisprudence récente. Seules les modifications rendant l’objet unique et impossible à revendre ouvrent cette exception. Un choix parmi des options standards ne suffit pas.
Vérifier avant toute commande si la personnalisation est réelle et consulter attentivement les conditions générales reste essentiel. Pour éviter tout malentendu, chaque partie doit clarifier ses attentes et obligations dès avant la conclusion du contrat.
