La notion de consommateur joue un rôle central dans la protection offerte par le code de la consommation. La loi vise à défendre les personnes physiques qui agissent en dehors de leur activité professionnelle, face à des clauses contractuelles susceptibles de créer un déséquilibre. Le statut de consommateur permet ainsi de contester des clauses dites abusives, qui profitent parfois aux professionnels au détriment du non-professionnel. Se pose alors une question précise : l’exploitant d’un centre équestre qui fait construire un manège pour son activité peut-il se prévaloir du statut de consommateur, ou agit-il à des fins professionnelles ? Ce point a récemment été tranché par la Cour de cassation, apportant des réponses utiles à ceux qui contractent dans un domaine autre que leur métier principal.
présentation du cas concret
L’affaire concerne un exploitant de centre équestre qui souhaite agrandir et développer ses installations. Pour cela, il signe un contrat de maîtrise d’œuvre avec un professionnel du bâtiment afin de faire construire un manège. L’objectif est clair : améliorer l’offre proposée à ses clients et renforcer la compétitivité du centre équestre.
Dans le contrat, une clause attire particulièrement l’attention : elle impose, en cas de litige, la saisine obligatoire du conseil régional de l’ordre des architectes avant toute action devant un tribunal. L’exploitant estime que cette clause crée un déséquilibre et souhaite s’en affranchir en invoquant le régime protecteur des clauses abusives réservé aux consommateurs.
débat juridique
Le code de la consommation définit le consommateur comme une personne physique agissant à des fins n’entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Il existe aussi la notion de « non-professionnel », qui désigne toute personne n’agissant pas dans le cadre de sa spécialité particulière.
Certains avancent que l’exploitant du centre équestre pourrait être vu comme un consommateur, car il ne possède pas d’expertise ni d’activité habituelle dans la construction immobilière. Ce raisonnement met en avant la spécialisation professionnelle et suggère qu’en dehors de celle-ci, la personne doit bénéficier du régime protecteur lié au consommateur.
D’autres soutiennent que l’acte juridique réalisé – la construction d’un manège – reste directement lié au développement commercial du centre équestre. Le contrat sert les besoins professionnels : il vise à améliorer et agrandir l’activité principale. Dès lors, même sans compétence technique dans le bâtiment, l’objectif recherché demeure professionnel.
les décisions judiciaires
Dans cette affaire, la première juridiction saisie est la cour d’appel. Celle-ci décide d’accorder à l’exploitant le statut de consommateur. Selon elle, puisqu’il n’est pas spécialiste du bâtiment, il entre dans la catégorie des personnes non professionnelles vis-à-vis du contrat passé pour la construction du manège. Cela lui permet donc d’invoquer le caractère abusif de la clause litigieuse.
Le raisonnement suivi repose sur l’idée que seule l’activité professionnelle exercée habituellement compte ; ici, celle d’exploitant d’un centre équestre, et non celle liée au secteur immobilier.
la décision de la cour de cassation
Saisie par la partie adverse, la Cour de cassation adopte une vision différente. Elle considère que même si l’exploitant n’est pas professionnel en matière de construction immobilière, il agit bien « à des fins professionnelles » dès lors que l’objet du contrat – faire construire un manège – sert directement au développement et à l’exploitation du centre équestre.
Conséquence directe : l’exploitant ne peut plus se prévaloir des protections offertes aux consommateurs concernant les clauses abusives. La finalité professionnelle prime sur le secteur particulier concerné par le contrat.
tableau récapitulatif des positions judiciaires
Juridiction | Statut retenu pour l’exploitant | Argument principal | Effet sur la clause contestée |
---|---|---|---|
Cour d’appel | Consommateur | Non professionnel du bâtiment | Contestation possible |
Cour de cassation | Professionnel (pas consommateur) | Acte réalisé pour les besoins professionnels | Protection non applicable |
analyse et portée pratique
Cette décision intéresse tous les professionnels qui recourent ponctuellement à des contrats en dehors de leur cœur d’activité. Elle rappelle que ce n’est pas le secteur ni le domaine particulier qui importe, mais bien l’objectif poursuivi lors de la signature.
Ainsi, dès lors qu’un contrat vise à développer ou renforcer une entreprise – même si cela nécessite une prestation extérieure –, il engage son signataire comme professionnel et non comme consommateur. Les protections relatives aux clauses abusives ne s’appliquent plus dans ce cas.
Avant toute signature impliquant un prestataire extérieur (bâtiment, informatique…), il convient donc d’identifier précisément si le besoin répond à une logique personnelle ou professionnelle.
Exemples concrets :
- Un restaurateur commandant des travaux pour agrandir sa salle agit en tant que professionnel.
- Un médecin faisant installer une nouvelle salle d’attente pour son cabinet reste dans une logique professionnelle.
- Une personne physique faisant construire une piscine pour son usage personnel conserve le statut de consommateur.
ce qu’il faut retenir pour les exploitants et autres professionnels
La jurisprudence récente montre que c’est bien l’intention professionnelle derrière un acte contractuel qui détermine le statut juridique applicable. Même si une personne sort ponctuellement de son secteur habituel pour solliciter des acteurs extérieurs (bâtiment, équipement…), elle reste considérée comme professionnelle si l’opération vise à développer son entreprise.
Il s’avère essentiel d’analyser chaque projet sous cet angle afin d’ajuster ses attentes quant à la protection offerte par le droit. Face à cette réalité, soigner la rédaction des contrats et anticiper les risques liés aux clauses défavorables deviennent des réflexes utiles pour limiter tout déséquilibre potentiel lors d’opérations touchant au développement d’une activité.