La reprise de terres agricoles louées soulève des questions juridiques précises pour le propriétaire comme pour l’exploitant. Un propriétaire peut, en respectant certaines règles, mettre fin à un bail rural pour exploiter lui-même la parcelle ou permettre l’exploitation par un proche. Face à ce droit, le locataire peut contester la validité du congé notifié par le bailleur. Cette possibilité de contestation, encadrée par la loi, protège l’exploitation agricole et apporte un équilibre dans la relation contractuelle. Savoir comment exercer ce droit, dans quelles conditions, et contre qui agir devant la justice est fondamental pour chaque acteur du bail rural.
les obligations du bailleur lors de la délivrance du congé
Le bailleur qui souhaite reprendre une terre exploitée doit adresser au locataire un congé écrit. Ce document doit comporter certaines mentions obligatoires, sans lesquelles il risque d’être jugé irrégulier.
Mentions obligatoires du congé :
- le motif de la reprise : par exemple, exploiter personnellement la terre, ou permettre à un proche de l’exploiter
- l’identité du bénéficiaire de la reprise : le bailleur, son conjoint, son partenaire pacsé ou l’un de ses descendants
Le bénéficiaire de la reprise ne peut pas être n’importe qui. La loi réserve ce droit au bailleur lui-même, à son conjoint, à son partenaire lié par un PACS ou à l’un de ses enfants.
conditions et motifs de contestation par le locataire
Le locataire exploitant a la possibilité de contester le congé s’il estime que certaines conditions ne sont pas réunies. Plusieurs motifs peuvent justifier une telle action.
Motifs principaux de contestation :
- non-respect des conditions légales du congé (mentions incomplètes ou erronées)
- absence de respect du contrôle des structures agricoles (autorisation administrative requise)
- défaut de compétence professionnelle du bénéficiaire pressenti
- suspicion de fraude ou de détournement d’objectif
Pour agir valablement, le locataire doit saisir le tribunal paritaire des baux ruraux dans un délai strict de quatre mois à compter de la réception du congé. Passé ce délai, la contestation n’est plus recevable.
la question procédurale : qui doit être assigné en justice ?
Lorsque le locataire décide d’engager une action en contestation, une question se pose : contre qui doit-il agir ? Certains bailleurs soutiennent que le bénéficiaire de la reprise, même s’il n’est pas partie au contrat initial, devrait aussi être mis en cause. Cette position s’appuie sur le principe du contradictoire inscrit dans le Code de procédure civile : « Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ».
position de la jurisprudence récente
Une décision de la Cour de cassation du 13 mars 2025 (n° 23-20161) clarifie cette question. Les juges estiment que seul le bailleur, auteur du congé, doit être assigné en justice par le locataire. C’est le bailleur qui exprime sa volonté de mettre fin au bail, et lui seul a initié la rupture du contrat.
Même si le bénéficiaire désigné par le congé (par exemple, un fils du bailleur) est concerné par l’issue du litige, il n’est pas partie au contrat de bail rural. Il n’est donc pas nécessaire de l’assigner en justice lors d’une contestation du congé par le locataire.
Ce schéma protège chaque acteur et évite des procédures compliquées ou inutiles. Le principe du contradictoire reste respecté dès lors que celui qui a pris l’initiative du congé est impliqué dans le procès.
aspects pratiques pour les parties au bail rural
Pour le locataire exploitant, respecter les délais et la procédure devant le tribunal paritaire des baux ruraux conditionne la recevabilité et l’issue éventuelle de sa contestation. Un congé contesté après le délai légal ou adressé à une mauvaise partie risque d’être rejeté.
Pour le bailleur, respecter toutes les mentions obligatoires dans l’acte de congé sécurise la démarche et limite les risques de nullité.
Voici un tableau récapitulatif des démarches :
| Acteur | Démarche | Délai | Juridiction | 
|---|---|---|---|
| Bailleur | Notification du congé avec mentions | Avant la fin du bail | – | 
| Locataire | Contestation du congé | 4 mois dès réception | Tribunal paritaire des baux ruraux | 
| Bénéficiaire | – | – | – | 
références juridiques utiles
- cass. civ. 3e, 13 mars 2025, n° 23-20161
- article du code de procédure civile relatif au contradictoire (« Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée »)
démarches efficaces pour sécuriser ses droits en matière de congé pour reprise agricole
Pour chaque acteur d’un bail rural, suivre rigoureusement les étapes prévues par la loi garantit une gestion sereine d’une reprise agricole. Le bailleur doit remettre un congé précis et complet. Le locataire exploitant, s’il souhaite s’opposer à cette rupture, doit agir dans les délais auprès du bon tribunal et contre la personne qui a réellement pris l’initiative : le bailleur. Les procédures sont allégées puisque le bénéficiaire potentiel n’a pas à être cité devant le juge, même s’il est concerné à terme. Cette clarification permet à chacun d’exercer ses droits dans un cadre légal sécurisé.
