Depuis plusieurs années, le régime fiscal des exploitants agricoles prévoit des mécanismes pour ajuster l’imposition aux cycles de production et aux aléas du métier. Les exploitants soumis à l’impôt sur le revenu selon un régime réel disposent ainsi de la déduction pour épargne de précaution (DEP). Ce dispositif permet de lisser le bénéfice imposable en constituant une réserve utilisable en cas de coup dur ou pour financer certains besoins professionnels. À partir de 2024, une nouveauté concerne la réintégration des sommes non utilisées : dans certains cas exceptionnels, une partie peut être exonérée d’impôt. Ce point intéresse aussi bien les agriculteurs que leurs conseillers, car il offre des marges d’optimisation et de sécurisation.
principe et fonctionnement de la déduction pour épargne de précaution
La déduction pour épargne de précaution permet à un exploitant agricole soumis à l’impôt sur le revenu selon un régime réel (normal ou simplifié) de réduire son bénéfice imposable. Pour cela, il doit inscrire à l’actif du bilan une somme, appelée DEP, et placer au moins 50 % du montant déduit sur un compte bancaire dédié. Cette épargne, qui n’est pas immédiatement imposée, vise à constituer une réserve utilisable lors d’années moins favorables ou pour faire face à des dépenses liées à l’activité.
schéma synthétique du principe :
- calcul du bénéfice imposable
- choix du montant à déduire (dans la limite des plafonds)
- inscription d’au moins 50 % sur un compte bancaire spécifique
- réduction immédiate du bénéfice imposable
modalités d’utilisation et règle de réintégration
La somme placée en déduction pour épargne de précaution doit servir à couvrir des besoins professionnels : achat de fournitures, investissements courants ou gestion d’aléas. L’exploitant peut utiliser tout ou partie de cette réserve pendant les dix exercices qui suivent la constitution.
Si la DEP est utilisée, son montant est alors ajouté au résultat fiscal de l’année d’utilisation ou, au plus tard, celui qui suit. Si elle n’est pas mobilisée dans ce délai de dix ans, elle est automatiquement réintégrée dans le résultat du dixième exercice après sa constitution.
règle récapitulative :
- utilisation libre sur 10 ans pour des dépenses professionnelles
- réintégration obligatoire si non utilisée dans ce délai
focus sur la nouvelle exonération partielle dès 2024
À partir de 2024, une disposition spécifique s’applique lors de la réintégration. Lorsque les fonds issus de la DEP servent à faire face à :
- un foyer de maladie animale ou végétale,
- un incident environnemental,
- une perte liée à un aléa climatique,
- une calamité agricole,
alors 30 % des sommes réintégrées sont exonérées d’impôt sur le revenu. Cette exonération partielle ne s’applique que si la dépense correspond bien à une des situations listées plus haut.
Le montant exonéré est limité à 50 000 € par exercice. Dans le cas des groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC) ou des exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) soumises à l’impôt sur le revenu, ce plafond est multiplié par le nombre d’associés exploitants (dans la limite de quatre).
| situation | somme exonérée possible | 
| dépense consécutive à une calamité agricole | 30 % du montant réintégré (plafond : 50 000 €) | 
| dépense liée à une maladie animale ou végétale | 30 % du montant réintégré (plafond : 50 000 €) | 
| dépense suite à incident environnemental ou aléa climatique | 30 % du montant réintégré (plafond : 50 000 €) | 
plafonds annuels et pluriannuels applicables dès 2025
La DEP ne peut dépasser certains plafonds. Chaque année, le plafond dépend du niveau du bénéfice imposable et est actualisé régulièrement. Voici les limites prévues pour les exercices ouverts dès le 1er janvier 2025 :
| bénéfice imposable (b) | dép max déductible par exercice | 
| b < 32 990 € | 100 % du bénéfice | 
| 32 990 € ≤ b < 61 092 € | 32 990 € + 30 % du bénéfice > 32 990 € | 
| 61 092 € ≤ b < 91 639 € | 41 421 € + 20 % du bénéfice > 61 092 € | 
| 91 639 € ≤ b < 122 184 € | 47 529 € + 10 % du bénéfice > 91 639 € | 
| b ≥ 122 184 € | 50 585 € maximum | 
Pour les GAEC et EARL soumises à l’impôt sur le revenu, ces montants sont multipliés par le nombre d’associés exploitants (dans la limite de quatre), sans jamais dépasser le bénéfice imposable.
Un plafond global existe aussi : au total, la somme cumulée des DEP non encore réintégrées ne peut dépasser 150 000 € (ou ce plafond multiplié par le nombre d’associés exploitants dans la limite de quatre).
exemples pratiques d’application
exemple 1 :
Une exploitation individuelle affiche un bénéfice imposable de 60 000 € en 2025. Le plafond annuel applicable correspond alors à :
41 421 € + (20 % x [60 000 – 61 092]) = environ 41 421 €. L’exploitant choisit de placer une DEP égale à ce plafond et verse au moins la moitié sur un compte bancaire réservé.
exemple 2 :
Un GAEC composé de trois associés exploitants présente un bénéfice imposable total de 150 000 €. Le plafond annuel s’élève donc à :
50 585 € x 3 = 151 755 €, mais il ne peut pas excéder le bénéfice total soit ici, tout juste égalé. La DEP cumulée non encore réintégrée ne pourra pas dépasser :
150 000 € x 3 = 450 000 €.
situation particulière :
En cas d’aléa climatique conduisant à une perte majeure en cours d’année, l’exploitant utilise une partie de sa DEP constituée cinq ans plus tôt. Lorsqu’il procède à la réintégration, il bénéficie alors d’une exonération partielle sur cette somme jusqu’à concurrence de 30 % et dans la limite annuelle fixée.
bénéfices et points clés pour anticiper sa fiscalité agricole
Le dispositif de déduction pour épargne de précaution apporte aux exploitants agricoles un outil souple pour adapter leur fiscalité aux réalités économiques et climatiques. Il permet de mettre en réserve des excédents lors des bonnes années puis de les mobiliser lors d’aléas sans pénalité fiscale immédiate. La nouvelle exonération partielle introduite en cas d’incident majeur renforce l’intérêt pratique du mécanisme dès lors que les démarches respectent bien les conditions fixées par les textes. Pour optimiser ce levier fiscal et éviter toute remise en cause lors d’un contrôle, il convient d’anticiper chaque année le calcul des plafonds et l’utilisation effective des sommes placées en épargne.
références légales :
Art. 66 loi n° 2025-127 du 14 février 2025 (JO du 15), Décret n° 2025-547 du 17 juin 2025 (JO du 18), BOI-BA-BASE-30-45-20 du 13 août 2025
