L’entretien préalable au licenciement ou à une sanction disciplinaire forme un passage central dans la vie d’un contrat de travail. Cette étape permet à l’employeur d’exposer les raisons qui motivent la mesure envisagée. Elle donne aussi au salarié la possibilité de s’expliquer. La question se pose souvent de savoir si le salarié dispose du droit de garder le silence lors de cet échange. Certains se demandent même si l’employeur doit l’informer explicitement de ce droit, en référence au principe selon lequel « nul n’est tenu de s’accuser ». Un récent arrêt du Conseil constitutionnel vient préciser cette question et éclaire la pratique des entreprises.
la procédure d’entretien préalable : obligations et distinctions
L’employeur qui souhaite licencier un salarié ou appliquer une sanction disciplinaire doit respecter plusieurs étapes prévues par le Code du travail. La première consiste à envoyer une convocation à l’entretien préalable. Cette lettre doit mentionner :
- l’objet précis de l’entretien,
- les motifs envisagés,
- la date, l’heure et le lieu de la rencontre,
- la possibilité pour le salarié de se faire assister par une autre personne (collègue ou conseiller extérieur).
La procédure varie selon la nature de la mesure. Pour un licenciement, tous ces éléments doivent figurer dans la convocation. Pour une sanction disciplinaire simple (avertissement, blâme), les règles restent proches mais certains points, comme la mention obligatoire de l’assistance, peuvent différer.
Tableau synthétique :
| Nature de la mesure | Convocation écrite | Mention du motif | Assistance possible | 
|---|---|---|---|
| Licenciement | Oui | Oui | Oui | 
| Sanction disciplinaire | Oui | Oui | Souvent oui | 
droit de se taire : origine et débat juridique
La question du droit de se taire trouve son origine dans un principe fondamental : « nul n’est tenu de s’accuser ». Ce principe s’applique classiquement lors des procédures pénales ou administratives où une sanction peut être prononcée par l’État. En septembre 2025, le Conseil constitutionnel reçoit une question prioritaire de constitutionnalité sur ce sujet. Les juges doivent se prononcer sur le fait que le droit du travail, en ne prévoyant pas d’information du salarié sur son droit de se taire, respecte bien les principes constitutionnels.
Les défenseurs du droit à garder le silence avancent que cet entretien peut aboutir à une sanction lourde pour le salarié, voire à un licenciement pour faute grave. Ils estiment donc que l’obligation d’informer le salarié sur son droit au silence serait légitime.
décision du conseil constitutionnel : précisions et portée
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 septembre 2025 (décision n°2025-1160/1161/1162), distingue clairement deux situations :
- D’un côté, les procédures pénales ou administratives relèvent des pouvoirs publics.
- De l’autre, les relations entre employeurs et salariés relèvent du droit privé.
Pour le Conseil, le principe « nul n’est tenu de s’accuser » vise avant tout les sanctions décidées par une autorité publique. Il ne concerne pas les mesures prises par un employeur dans le cadre d’un contrat privé. Ainsi, rien n’impose à l’employeur d’indiquer au salarié, lors de l’entretien préalable au licenciement, qu’il a le droit de garder le silence.
conséquences pratiques pour employeurs et salariés
L’absence d’obligation nouvelle laisse inchangées les pratiques courantes :
- L’employeur doit toujours respecter la procédure formelle fixée par le Code du travail.
- Le salarié, même non informé explicitement, reste libre ou non de répondre aux questions.
- Aucun risque d’annulation stricte de la procédure pour défaut d’information sur le droit au silence.
Certains employeurs choisissent parfois d’aller plus loin que la loi et rappellent oralement au salarié, lors de l’entretien, qu’il peut choisir ses réponses. Cela relève alors d’une bonne pratique visant à renforcer la confiance entre les parties.
Bonnes pratiques pour l’entretien préalable :
- Laisser au salarié un temps suffisant pour préparer ses explications.
- Favoriser un climat d’écoute et éviter toute pression indue.
- Veiller à ce que chaque étape soit tracée par écrit.
La décision récente du Conseil constitutionnel, confirmée par le Conseil d’État et la Cour de cassation, rappelle que seule la procédure prévue par le Code du travail s’applique lors d’un entretien préalable à un licenciement. L’employeur n’a donc pas à informer formellement le salarié sur son éventuel droit de garder le silence. Le respect des autres droits procéduraux reste essentiel : convocation claire, possibilité d’assistance et respect des délais. Une vigilance constante s’impose pour garantir à chaque salarié un dialogue loyal et conforme aux règles en vigueur.
