La compétence du tribunal face à l’action d’un gérant de sarl exerçant une activité libérale

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Par Nicolas

La gestion d’une société à responsabilité limitée (SARL) amène à croiser plusieurs règles, selon que l’activité exercée est commerciale ou libérale. En France, de nombreux professionnels libéraux choisissent la forme de la SARL pour exercer leur métier, comme les vétérinaires, les architectes ou les consultants. Cette forme sociale pose alors une question précise  : en cas de litige interne, notamment lors d’une révocation du gérant, vers quel tribunal le dirigeant doit-il se tourner  ? La réponse à cette question a un impact direct sur la stratégie de défense et la bonne marche de la société. Elle concerne autant les dirigeants que leurs conseils juridiques et les membres des professions libérales organisées sous forme de SARL.

présentation des faits

Une gérante d’une SARL exploitant un cabinet de vétérinaires se voit révoquée de ses fonctions. Contestant cette décision, elle saisit le tribunal judiciaire. La société s’oppose à cette démarche et soulève l’incompétence de cette juridiction, arguant que seule le tribunal de commerce serait compétent.

En première instance puis en appel, la question centrale porte sur la nature juridique de l’activité exercée par la société. Les juges retiennent que l’activité de vétérinaire est une activité civile et considèrent donc le tribunal judiciaire comme compétent. Cette interprétation repose sur la distinction entre activité civile (profession libérale) et activité commerciale.

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problématique juridique

La question de la compétence du tribunal se pose car la SARL présente une nature hybride  : elle a une forme sociale commerciale mais peut exercer une activité libérale ou civile. La difficulté naît lorsque le contentieux porte sur la gestion interne, comme la révocation d’un dirigeant.

Il faut rappeler qu’en droit français, la SARL est toujours considérée comme une société commerciale par sa forme, indépendamment de l’objet de son activité. Cela distingue la SARL de la selarl, qui est spécifiquement conçue pour l’exercice des professions libérales réglementées et dont le régime diffère sur plusieurs points.

Tableau comparatif  :

Forme socialeNature juridiqueActivité autoriséeTribunal compétent (litiges internes)
SARLCommercialeTout type (y compris libéral)Tribunal de commerce
SelarlLibéraleProfessions libéralesTribunal judiciaire

solution retenue par la cour de cassation

La Cour de cassation, dans une décision rendue le 28 mai 2025 (Cass. com., 28 mai 2025, n° 24-14148), tranche clairement en faveur du tribunal de commerce. Elle rappelle que les contestations relatives aux sociétés commerciales relèvent de façon exclusive du tribunal de commerce, quelle que soit l’activité exercée par la société.

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Cela signifie que même si la SARL exerce une profession libérale ou civile (comme celle de vétérinaire), c’est sa forme commerciale qui détermine le juge compétent pour statuer sur les litiges internes, notamment ceux concernant son dirigeant.

L’objet social, c’est-à-dire l’activité exercée, ne remet pas en cause cette compétence  : seule compte la forme sociale pour fixer la juridiction compétente.

exceptions à la règle

La Cour précise deux exceptions à cette règle générale  :

  • Litige impliquant une personne extérieure à la société (ni associée ni dirigeante)  : dans ce cas, cette personne peut choisir entre le tribunal judiciaire ou le tribunal de commerce.
  • Société d’exercice libéral à responsabilité limitée (selarl)  : lorsqu’une selarl est concernée par un contentieux relatif à l’exercice d’une profession libérale réglementée, c’est alors le tribunal judiciaire qui est compétent.

Résumé des exceptions  :

SituationTribunal compétent
Litige avec personne extérieureTribunal judiciaire ou commerce
Litige interne SARL (toute activité)Tribunal de commerce
Litige interne selarl (professions réglementées)Tribunal judiciaire

mise en perspective et conséquences pratiques

Pour les gérants de SARL exerçant une activité libérale, choisir le bon tribunal évite des pertes de temps et des frais liés à l’incompétence éventuelle d’une juridiction. Un dirigeant qui conteste sa révocation devant un tribunal incompétent risque un rejet pur et simple de sa demande sans examen du fond.

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Les avocats et conseils juridiques doivent vérifier systématiquement la forme sociale avant toute action en justice interne à une société  : SARL implique le tribunal de commerce, sauf si l’on se trouve dans l’un des cas d’exception listés plus haut.

Points clés pour les praticiens  :

  • Toujours vérifier si la société a une forme SARL ou selarl.
  • S’assurer que le litige concerne un associé ou un dirigeant avant d’engager une action devant le tribunal compétent.
  • Alerter sur le risque d’irrecevabilité pour incompétence du tribunal.

primauté de la forme sociale dans les litiges internes aux sarl exerçant une activité libérale

La jurisprudence récente confirme que pour toute contestation interne à une SARL, telle que celle liée à la révocation d’un gérant même dans un contexte d’activité libérale, c’est bien le tribunal de commerce qui doit être saisi. Cette règle repose sur la primauté accordée à la forme sociale au moment d’apprécier la compétence du juge. Les exceptions existent mais restent limitées aux cas où un tiers extérieur est impliqué ou lorsque la société prend la forme spécifique d’une selarl soumise à un régime particulier.

Anticiper ces questions évite des erreurs procédurales coûteuses. Dirigeants et praticiens gagnent à intégrer cette règle dès qu’ils envisagent une action contentieuse liée à une gestion interne au sein d’une société commerciale.

Sources et références  :
Cass. com., 28 mai 2025, n° 24-14148

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