Le pouvoir de licencier dans une association face à l’irrégularité statutaire : ce que dit la cour de cassation

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Par Nicolas

Dans le secteur associatif, le licenciement d’un salarié soulève souvent des questions liées à la compétence de l’organe qui signe la lettre de rupture. Les associations, soumises à des statuts parfois complexes, se retrouvent régulièrement devant les tribunaux lorsque le salarié met en cause la légitimité de la personne ou du groupe qui prend cette décision. Une récente décision de la cour de cassation vient préciser les contours du pouvoir de licencier au sein des associations, éclairant les employeurs et salariés sur ce point.

présentation des faits

Un directeur d’association reçoit une lettre de licenciement pour motif économique. Il saisit ensuite les tribunaux pour contester cette mesure. Son argument principal repose sur l’irrégularité supposée de la désignation du président ayant signé son licenciement. Selon lui, le conseil d’administration n’est pas composé conformément aux statuts : il compte 11 membres alors que les statuts en exigent 12. De ce fait, la nomination du président serait irrégulière et celui-ci ne disposerait pas du pouvoir de licencier. Le salarié estime donc que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

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règles juridiques applicables

Dans une association, seul un organe habilité peut prononcer un licenciement. Cette habilitation découle soit des statuts, soit d’une délégation valide du pouvoir. Lorsqu’un licenciement est prononcé par une personne ou un organe non compétent, il peut être déclaré sans cause réelle et sérieuse. Cette règle vise à protéger les droits des salariés tout en garantissant la légalité des décisions prises au sein de l’association.

Exemple de causes d’incompétence  :

SituationConséquence sur le licenciement
Désignation irrégulière du signataireLicenciement contestable
Pouvoir non délégué par le conseil d’administrationLicenciement contestable
Pouvoir clairement attribué dans les statutsLicenciement valable

décisions successives des juridictions

La cour d’appel retient l’argument du salarié  : la composition du conseil d’administration ne respecte pas les statuts, la désignation du président est donc jugée irrégulière. Par effet domino, le licenciement prononcé par ce président devient invalide selon cette analyse. Les juges du fond estiment que toute irrégularité statutaire dans la nomination prive le signataire du pouvoir effectif de licencier.

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apport de la cour de cassation

La cour de cassation, dans son arrêt du 6 mai 2025 (n°23-21373), adopte un raisonnement différent. Elle considère que le salarié ne peut pas faire reposer sa contestation sur l’irrégularité dans la désignation du titulaire du pouvoir de licencier. Pour la haute juridiction, tant que le président agit comme représentant légal et que son pouvoir n’a pas été formellement remis en cause dans l’organisation interne, le licenciement demeure valable même si sa nomination présente un défaut formel. Le recours à une irrégularité purement statutaire ne suffit pas à rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

analyse des conséquences pratiques

Cette décision intéresse directement les dirigeants associatifs et leurs salariés. Elle limite la portée des contestations fondées sur des vices formels dans la nomination des organes dirigeants. Ainsi, une simple irrégularité dans la composition d’un conseil d’administration ou dans la désignation d’un dirigeant ne suffit plus à remettre en cause un licenciement déjà acté.

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Pour autant, cette jurisprudence ne couvre pas tous les cas  : si le pouvoir de licencier a été clairement exclu ou attribué à un autre organe par les statuts, ou si l’acte même de licenciement viole volontairement une règle essentielle, la validité pourrait être remise en question.

Voici quelques recommandations pour sécuriser les procédures internes  :

  • S’assurer que les statuts identifient précisément l’organe compétent pour licencier.
  • Mener régulièrement des vérifications sur la composition et les délégations internes.
  • Conserver trace écrite des décisions et délégations concernant le pouvoir de licencier.
  • S’appuyer sur l’avis d’un juriste en cas de doute sur une situation particulière.

enseignements pour la gestion associative et relations salariales

Les associations doivent veiller au respect de leurs statuts mais savent désormais qu’une irrégularité formelle dans la désignation d’un dirigeant n’invalide pas automatiquement un licenciement prononcé par ce dernier. Pour les salariés, il reste possible de contester un licenciement si l’organe signataire n’a manifestement aucune habilitation ou si une violation plus grave intervient. La vigilance reste donc nécessaire pour garantir sécurité juridique et transparence lors des ruptures contractuelles.

Sources et références
cassation sociale, 6 mai 2025, n°23-21373

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