En France, la durée légale du travail repose sur la semaine de 35 heures. Les heures en plus se comptent dès que cette limite est franchie. Beaucoup de salariés effectuent ces heures en plus à la demande de leur employeur, ce qui ouvre droit à une majoration salariale ou à un repos compensateur. Jusqu’à récemment, le calcul de ces heures ne tenait pas compte des jours de congés payés. Une évolution récente de la jurisprudence modifie ce point et vient aligner le droit français sur le droit européen. Cette nouveauté concerne autant les employeurs que les salariés, car elle change la méthode de calcul des heures en plus.
règle antérieure sur les congés payés et le décompte des heures en plus
Jusqu’en septembre 2025, pour calculer les heures en plus, seuls les jours effectivement travaillés étaient pris en compte. Les semaines comprenant des jours de congés payés étaient donc exclues du calcul. Par exemple, si un salarié prenait deux jours de congé sur une semaine, seules les heures travaillées pendant les autres jours servaient à déterminer s’il dépassait les 35 heures hebdomadaires. Ce mode de calcul reposait sur la règle selon laquelle seules les heures « accomplies » au-delà de la durée légale sont considérées comme des heures en plus.
Le tableau suivant illustre l’ancienne règle :
Semaine avec congé payé | Semaine sans congé |
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Congés non pris en compte pour le calcul des heures en plus | Toutes les heures travaillées au-delà de 35 h prises en compte |
nouvelle position de la cour de cassation : revirement jurisprudentiel
Depuis septembre 2025, la cour de cassation adopte une nouvelle lecture du droit. Elle considère désormais que les jours de congés payés doivent être assimilés à du temps de travail effectif pour déterminer le seuil des heures en plus. Autrement dit, même si un salarié prend des congés payés, ces jours sont comptabilisés comme s’il avait travaillé lors du calcul du dépassement des 35 heures hebdomadaires.
Exemple : un salarié travaille 28 heures et prend deux jours de congé payé dans la même semaine (soit 14 heures assimilées). On retient alors 42 heures pour le calcul des heures en plus, ce qui donne lieu à une majoration ou à un repos compensateur.
fondements juridiques du changement
Ce revirement s’appuie sur plusieurs textes. Le code du travail, jusqu’alors, ne considérait que les heures réellement travaillées comme « effectives ». La directive européenne sur l’aménagement du temps de travail impose d’intégrer les périodes assimilées à du travail effectif pour éviter toute perte de droits pour le salarié.
La décision centrale :
Cassation sociale, 10 septembre 2025, n° 23-14455
L’argument principal repose sur l’obligation d’éviter toute mesure pouvant dissuader un salarié de prendre ses congés payés. Priver le salarié d’une majoration au titre des heures en plus, parce qu’il prend ses droits à congé, crée en effet un désavantage financier.
affaire ayant conduit au revirement : illustration concrète
Dans l’affaire jugée par la cour de cassation en septembre 2025, plusieurs salariés soumis à un forfait horaire réclamaient le paiement d’heures en plus. La cour d’appel leur avait donné raison mais sans tenir compte des semaines comportant des congés payés. Selon elle, ces semaines ne permettaient pas d’atteindre ou dépasser le seuil hebdomadaire déclenchant le paiement d’heures en plus.
La cour de cassation a corrigé ce raisonnement. Elle a jugé que les jours de congés payés doivent être traités comme du temps de travail effectif pour établir si la durée légale hebdomadaire a été dépassée. Ainsi, ces salariés pouvaient bien prétendre au paiement des heures en plus, y compris durant les semaines où ils avaient pris leurs congés.
champ d’application et limites actuelles de la décision
La nouvelle règle concerne surtout le décompte hebdomadaire du temps travaillé. Cela vise :
- salaire au forfait horaire hebdomadaire
- système classique avec suivi hebdomadaire des heures effectuées
- situation où l’employeur doit vérifier chaque semaine si le seuil est franchi
Une incertitude subsiste concernant les autres modes de décompte :
- découpe mensuelle ou annuelle du temps travaillé
- systèmes d’annualisation ou modulation du temps de travail
- situation spécifique aux conventions collectives particulières
Il faudra attendre d’autres décisions judiciaires ou précisions légales pour savoir si cette interprétation s’étend à toutes les formes d’organisation du temps dans l’entreprise.
impacts pratiques pour employeurs et salariés : quels changements ?
L’évolution jurisprudence a des effets concrets immédiats :
Bénéficiaires principaux | Nouveaux droits ou obligations |
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Salarié·e·s au forfait ou suivi hebdomadaire | Droit à voir leurs congés payés pris en compte comme temps effectif pour obtenir la majoration liée aux heures en plus |
Employeurs | Nécessité d’inclure les jours de congé payé dans le suivi des seuils hebdomadaires ; augmentation possible du nombre d’heures majorées ou repos compensateurs à accorder |
Paye et gestion RH | Mise à jour requise des outils et méthodes de gestion du temps et du calcul des paies |
Secteurs fortement concernés | BTP, industrie, services soumis au temps plein avec suivi régulier |
Les employeurs doivent donc adapter leurs logiciels ou modes opératoires pour intégrer cette nouvelle donne. Les salariés disposent ainsi d’une meilleure protection contre tout risque financier lié à l’exercice normal de leur droit aux congés payés.
perspectives et vigilance pour toutes les parties prenantes
Le changement initié par la cour invite entreprises et salariés à suivre l’évolution future du droit social français sur ce sujet. Il reste possible que le législateur adapte certains textes ou que d’autres jurisprudences précisent comment appliquer cette règle dans le cas d’un décompte mensuel ou annuel du temps travaillé.
Pour maintenir une gestion conforme et éviter tout contentieux :
- L’employeur doit surveiller ses outils RH.
- L’équipe paie doit anticiper l’évolution potentielle vers une généralisation au-delà du calcul hebdomadaire.
- Tous les salariés doivent rester attentifs à leurs bulletins et aux accords collectifs.
La prise en compte des jours de congés payés dans le calcul des heures en plus, désormais imposée par la jurisprudence française alignée sur l’Europe, marque une avancée notable pour les droits sociaux et implique une adaptation rapide des pratiques en entreprise.