Un salarié licencié pour une raison jugée discriminatoire peut demander au juge d’annuler ce licenciement nul. Parfois, il choisit d’obtenir sa réintégration dans son emploi ou dans un poste équivalent. Cette situation soulève une question centrale : la personne réintégrée peut-elle percevoir les indemnités de rupture en plus de l’indemnité d’éviction ? Pour bien comprendre la réponse, il faut s’arrêter sur la notion de nullité du licenciement, souvent liée à une discrimination interdite (origine, âge, état de santé…). La réintégration vise alors à replacer le salarié dans sa situation antérieure, comme si le licenciement n’avait jamais eu lieu. L’analyse des décisions récentes permet d’éclairer ce sujet.
comprendre l’indemnité d’éviction
L’indemnité d’éviction correspond aux salaires que le salarié aurait perçus s’il avait continué à travailler entre la date de son licenciement nul et celle de sa réintégration. Elle vise à compenser la perte de revenus subie pendant cette période.
Dans quels cas cette indemnité est-elle versée ?
- Le licenciement a été annulé par un juge pour cause de discrimination ou d’atteinte à une liberté fondamentale.
- Le salarié a demandé et obtenu sa réintégration dans l’entreprise après l’annulation du licenciement.
- Il existe un écart temporel entre la décision de nullité et la reprise effective du travail.
Le calcul prend en compte tous les éléments de rémunération normalement dus (salaire fixe, primes, avantages…). Voici un exemple simplifié :
période concernée | montant mensuel brut | nombre de mois | total |
---|---|---|---|
janvier 2024 à juin 2025 | 3 000 € | 18 | 54 000 € |
Dans les faits, ce montant peut être beaucoup plus élevé selon la durée d’absence et les accessoires du salaire.
différence entre indemnité d’éviction et indemnités de rupture
Les indemnités de rupture désignent plusieurs sommes que l’employeur doit en principe verser lors d’une rupture du contrat de travail :
- indemnité légale ou conventionnelle de licenciement
- indemnité compensatrice de préavis
- indemnité compensatrice de congés payés
Lorsque le licenciement est annulé pour nullité et que le salarié choisit la réintégration, ces indemnités ne sont plus dues. L’objectif est simple : la relation de travail n’a jamais cessé juridiquement, donc il n’y a pas « rupture » à indemniser.
L’affaire jugée par la Cour de cassation le 9 juillet 2025 (n° 23-21863) illustre ce point. Un responsable des ventes avait été licencié alors qu’il se trouvait en arrêt maladie après un accident. Il a saisi la justice, arguant que son éviction était liée à son état de santé. Les juges ont annulé le licenciement et ordonné sa réintégration avec le paiement d’une indemnité d’éviction. L’employeur contestait le montant, demandant que soient déduites les sommes déjà versées au titre des indemnités de rupture. La Haute juridiction lui a donné raison : ces indemnités ne sont plus dues en cas de réintégration après licenciement nul. Seule l’indemnité d’éviction reste acquise au salarié pour compenser sa perte effective.
traitement des revenus de remplacement
Le salarié privé temporairement d’emploi peut percevoir des revenus de remplacement, comme les allocations chômage, durant la période entre son licenciement et sa réintégration. La question se pose alors du sort de ces sommes par rapport à l’indemnité d’éviction.
La jurisprudence distingue clairement :
- Les allocations chômage perçues par le salarié ne sont pas déduites du montant total dû au titre de l’indemnité d’éviction.
- L’employeur peut être contraint par décision judiciaire à rembourser à France Travail les allocations versées au salarié (dans la limite de 6 mois).
Exemple :
situation | conséquence |
---|---|
allocations chômage perçues | non déduites pour le salarié |
remboursement France Travail | employeur rembourse jusqu’à 6 mois maxi |
Cette règle assure que le salarié retrouve sa situation antérieure sans pénalité financière liée à son éviction injustifiée.
synthèse sur les droits et obligations en cas de réintégration après licenciement nul
En cas d’annulation judiciaire d’un licenciement nul, avec choix de la réintégration, le salarié reçoit uniquement une indemnité d’éviction. Les indemnités de rupture, comme celle liée au préavis ou au licenciement, ne se cumulent pas avec cette somme. Cette distinction protège l’équilibre entre employeurs et salariés lors du retour dans l’entreprise après une mesure jugée injuste. Mieux connaître ces règles permet à chacun, employeur comme salarié, d’anticiper les coûts et droits liés à une telle procédure.
sources et références
cass. soc., 9 juillet 2025, n° 23-21863