Quand un associé cède ses titres : peut-il encore demander des comptes au dirigeant ?

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Par Nicolas

Lorsqu’un dirigeant de société commet une faute qui lèse la société, la question du recours possible se pose. La loi prévoit que la société elle-même, ses représentants ou un ou plusieurs de ses associés peuvent agir en justice contre le dirigeant. Mais qu’advient-il si l’associé qui agit en justice perd sa qualité en cours de procédure, par exemple après avoir cédé ses titres  ? Cette interrogation revêt un intérêt fort pour tous ceux qui détiennent ou ont détenu des parts dans une société et souhaitent s’assurer de leurs droits face à d’éventuels manquements des dirigeants.

présentation de la problématique

Le débat portait sur la possibilité pour un ancien associé de poursuivre une procédure engagée contre un dirigeant, même après avoir cédé ses titres pendant la procédure. Avant la réponse récente de la cour de cassation, aucune règle claire ne permettait de trancher. Les juridictions n’avaient pas uniformisé leur approche  : certaines estimaient que l’action devenait irrecevable si le demandeur cessait d’être associé avant la fin du procès, d’autres considéraient que seul le moment de l’introduction de l’instance comptait. Cette incertitude exposait les actionnaires et anciens actionnaires à des risques juridiques importants lors d’une cession de titres, notamment quant à leur capacité à défendre les droits de la société contre ses propres dirigeants.

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exposé des faits

Les faits à l’origine de cette affaire sont les suivants  :

  • En 2009, un actionnaire engage une action en responsabilité contre plusieurs dirigeants d’une société anonyme.
  • En 2019, cet actionnaire cède ses titres lors d’une réduction du capital opérée par rachat par la société  : il perd donc sa qualité d’associé.
  • En 2022, la cour d’appel déclare sa demande irrecevable, considérant qu’il n’est plus associé au moment où elle statue.

Ce parcours met en lumière les conséquences concrètes du changement de qualité durant une instance judiciaire.

analyse de la décision de la cour de cassation

La cour de cassation a apporté une clarification dans son arrêt du 18 juin 2025 (n° 22-16781). Selon elle, ce qui compte pour apprécier le droit d’agir en responsabilité contre un dirigeant, c’est la qualité d’associé au moment où l’action est engagée, c’est-à-dire lors du dépôt initial de la demande en justice. La perte ultérieure du statut d’associé (par exemple suite à une cession de titres) reste sans effet sur le droit à poursuivre cette action. Ainsi, si une personne est associée lors du lancement de l’action, elle peut poursuivre la procédure jusqu’à son terme même si elle a entretemps cédé ses parts.

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Droit d’agir contre le dirigeantCondition au dépôt de l’actionEffet d’une cession postérieure
OuiÊtre associé au dépôt initialAucune incidence sur la poursuite
NonCéder avant le dépôt initialL’action est irrecevable

précisions complémentaires

L’arrêt précise bien que celui qui n’est plus associé au moment où il souhaite engager l’action ne peut pas agir contre un dirigeant. Seule la qualité au moment du dépôt initial permet d’exercer ce droit. Tout ancien associé qui veut intenter une action doit donc veiller à lancer sa procédure avant toute opération entraînant la perte des titres (vente, rachat…).

portée et conséquences pratiques

Cette décision apporte une sécurité juridique aux associés qui souhaitent défendre les intérêts sociaux ou faire valoir des droits face à un manquement du dirigeant. Elle clarifie le cadre pour les contentieux futurs liés à une cession de titres. Les associés savent désormais que leur droit d’agir est préservé dès lors qu’ils introduisent leur demande alors qu’ils détiennent encore leurs titres. Cela invite chacun à être attentif au calendrier des opérations sociales et judiciaires.

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bénéfices concrets pour les sociétés et leurs membres

La réponse claire apportée par cette jurisprudence protège les droits des associés tout en évitant des blocages procéduraux inutiles. Elle rappelle combien il convient d’être vigilant au moment choisi pour engager une action contre un dirigeant. Cette règle consolide aussi la transparence et l’efficacité dans le traitement des litiges entre sociétés et leurs membres ou anciens membres.

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