Depuis le 1er janvier 2024, les règles fiscales qui s’appliquent aux rémunérations des gérants majoritaires de selarl connaissent un changement notable. la modification concerne la manière dont ces revenus sont déclarés et imposés. la récente décision du conseil d’état du 8 avril 2025 vient aussi préciser les contours de ce nouveau régime. comprendre ces évolutions permet de mieux anticiper les obligations déclaratives et d’éviter des erreurs lors des prochaines échéances fiscales.
rappel du régime antérieur
jusqu’au 31 décembre 2023, la plupart des rémunérations perçues par les gérants majoritaires de selarl étaient imposées dans la catégorie des traitements et salaires. cela signifiait que ces revenus bénéficiaient d’un régime similaire à celui des salariés, avec application du barème progressif et accès à certaines déductions spécifiques.
par exemple, un médecin associé gérant majoritaire dans une selarl voyait sa part de rémunération liée à l’exercice de son activité professionnel déclarée comme salaire, même si cette rémunération provenait directement de son activité libérale.
nouveau régime d’imposition depuis 2024
à partir du 1er janvier 2024, la fiscalité évolue. les rémunérations issues de l’activité libérale sont désormais imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (bnc). cette règle vise les associés gérants majoritaires de selarl et les gérants de selca pour la part de leur rémunération qui correspond à une activité libérale.
cela implique un changement important dans la déclaration fiscale : les professionnels concernés doivent utiliser le formulaire n° 2035 pour déclarer ces revenus. cela modifie aussi le mode de calcul, car le régime bnc repose sur une comptabilité spécifique et des charges déductibles différentes.
exemple : un avocat exerçant en selarl doit désormais distinguer dans sa déclaration la partie de sa rémunération qui relève réellement d’une activité libérale et la reporter dans sa déclaration bnc n° 2035 dès 2025.
distinction des rémunérations
la clé du nouveau régime repose sur la distinction entre les revenus issus de l’activité libérale et ceux liés aux fonctions de gérant.
- si la rémunération liée à l’activité libérale peut être clairement identifiée, elle est imposée en bnc.
- si cette distinction n’est pas possible, l’ensemble reste soumis au régime des traitements et salaires.
le professionnel doit donc être en mesure d’isoler chaque type de revenu. par exemple, un gérant majoritaire qui facture ses consultations médicales sépare aisément cette part de sa rémunération. en revanche, si ses missions recouvrent toutes les fonctions administratives sans distinction claire entre gestion et exercice libéral, il devra justifier l’impossibilité matérielle d’opérer ce découpage pour rester sur le régime salarial.
tableau récapitulatif :
nature de la rémunération | catégorie fiscale | justificatif nécessaire |
---|---|---|
activités strictement libérales | bnc | ventilation claire |
fonctions strictement de gérant | traitements et salaires | ventilation claire |
non distinguable | traitements et salaires | argumentation |
précisions administratives et jurisprudence récente
initialement, l’administration fiscale a dressé une liste précise des tâches qu’elle rattache ou non à l’activité libérale :
- tâches relevant du gérant (hors activité libérale) : convocation d’assemblée générale, représentation auprès des tiers ou associés, décisions stratégiques comme déplacer le siège social.
- tâches relevant potentiellement de l’activité libérale : facturation du client ou patient, encaissement, prise de rendez-vous, approvisionnement en fournitures, gestion des équipes, rédaction d’ordonnances.
l’administration estimait que toutes les tâches administratives telles que facturation ou gestion d’équipe étaient liées à l’activité libérale. cela plaçait donc une large partie des revenus dans la catégorie bnc.
la décision rendue par le conseil d’état le 8 avril 2025 remet en cause cette approche. selon les juges, certaines tâches administratives – par exemple facturer un client ou gérer une équipe – ne doivent pas être systématiquement considérées comme liées à l’activité libérale. cela impose d’analyser au cas par cas chaque fonction exercée par le gérant pour déterminer sa nature fiscale.
exemple : un pharmacien gérant majoritaire qui consacre du temps à organiser ses équipes peut désormais discuter du rattachement fiscal de cette mission en s’appuyant sur la jurisprudence récente plutôt que sur la seule doctrine administrative.
suppression du forfait de 5 %
jusqu’à récemment, il était admis qu’un forfait équivalent à 5 % de la rémunération totale pouvait être considéré comme représentatif des missions strictement liées aux fonctions de gérant. cette part restait alors imposée dans la catégorie traitements et salaires.
le conseil d’état a annulé cette règle pratique. il n’est plus possible depuis avril 2025 d’appliquer automatiquement ce forfait pour ventiler les revenus entre bnc et traitements et salaires. chaque part doit désormais être justifiée concrètement par la nature réelle des tâches accomplies.
exemple : un associé qui percevait auparavant une rémunération annuelle ventilée selon ce forfait devra revoir son mode de justification pour l’année fiscale suivante.
dispositions transitoires et conseils pratiques
pour l’imposition des revenus perçus jusqu’au 31 décembre 2024, il reste possible d’invoquer les anciennes positions administratives, y compris le forfait de 5 %. cela s’explique parce que ces règles ont été annulées après cette date. ainsi, lors de leur déclaration en 2025 sur les revenus 2024, les professionnels peuvent choisir l’option qui leur est la plus favorable entre ancienne doctrine administrative et nouvelle jurisprudence.
conseils pratiques :
- vérifier si chaque élément de rémunération peut être clairement ventilé entre activité libérale (bnc) et fonctions strictement liées à la gestion (traitements et salaires).
- conserver tous les justificatifs relatifs au temps consacré à chaque type d’activité.
- consulter un expert-comptable ou un avocat fiscaliste pour analyser chaque situation particulière.
- préparer dès maintenant une organisation comptable permettant cette distinction pour éviter tout litige ultérieur avec l’administration fiscale.
impacts pratiques pour les gérants majoritaires concernés
les gérants majoritaires de selarl font face à une évolution profonde concernant leur mode d’imposition. le passage sous le régime bnc impose une nouvelle organisation comptable afin d’identifier précisément chaque source de revenu. il devient essentiel de documenter toute démarche visant à distinguer entre activité libérale pure et gestion administrative.
la suppression du forfait simplifie moins le travail quotidien mais permet une imposition plus juste selon chaque cas concret. les options transitoires offrent encore quelques marges pour sécuriser ses déclarations sur les revenus perçus avant fin décembre 2024. se rapprocher rapidement d’un professionnel aide à fiabiliser sa stratégie fiscale et à éviter toute erreur lors des prochaines échéances déclaratives.