La rupture conventionnelle permet à un salarié et à un employeur de mettre fin ensemble à un contrat de travail à durée indéterminée. Cette procédure donne lieu à la signature d’une convention, qui fixe notamment une indemnité de rupture. Parfois, des faits graves apparaissent après la signature de cette convention mais avant la date de fin du contrat prévue. Se pose alors la question du sort de l’indemnité si un licenciement pour faute grave intervient dans cet intervalle. Ce point juridique a été récemment éclairci par une décision de la Cour de cassation.
rappel sur la rupture conventionnelle et le licenciement pour faute grave
La rupture conventionnelle consiste à rompre le contrat de travail d’un commun accord. Elle se distingue du licenciement pour faute grave, qui résulte d’une décision unilatérale de l’employeur, fondée sur des faits rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La question centrale porte sur les droits du salarié à l’indemnité spécifique lorsque des faits graves sont révélés après l’homologation de la convention mais avant la date effective de fin du contrat.
le cadre et les délais de la rupture conventionnelle
La procédure comporte plusieurs étapes :
- Signature d’une convention fixant les conditions et la date de fin du contrat
- Délai de rétractation de 15 jours calendaires pour chaque partie
- Envoi et homologation par l’administration (Inspection du travail)
- Date effective de rupture déterminée dans la convention
Durant cette période, le salarié reste employé. L’employeur conserve ses prérogatives disciplinaires jusqu’à la date réelle de fin du contrat.
présentation d’un cas concret jugé en 2025
Une affaire récente illustre ce sujet :
- Convention signée : un directeur commercial signe une rupture conventionnelle avec une indemnité prévue de 68 000 € et une fin au 30 juin.
- Délai de rétractation écoulé et homologation obtenue.
- Découverte d’une faute grave : l’employeur apprend des faits graves (harcèlement sexuel) avant le 30 juin.
- Date du licenciement pour faute grave : notification le 23 avril, soit deux mois avant la date prévue.
Le salarié saisit ensuite la justice pour contester son licenciement et réclamer l’indemnité spécifique prévue.
analyse juridique et position des juges
La Cour de cassation, dans sa décision du 25 juin 2025 (n°24-12096), pose des principes clairs :
- L’employeur peut licencier pour faute grave après le délai de rétractation, même si la date prévue par la convention n’est pas atteinte.
- Le contrat prend fin à la date du licenciement, ici le 23 avril.
- L’homologation antérieure rend la rupture définitive : le salarié conserve son droit à l’indemnité spécifique, même en cas de licenciement pour faute grave intervenu avant la date prévue.
Cette règle s’applique dès lors que les faits graves sont connus après l’homologation et avant la rupture effective.
tableau récapitulatif : effets sur l’indemnité selon le moment de découverte de la faute grave
Période où survient la découverte des faits graves | Droit à l’indemnité spécifique | Date effective de rupture du contrat |
---|---|---|
Avent homologation ou durant rétractation | Aucun (procédure interrompue) | Sous réserve d’éventuel licenciement immédiat |
Après homologation mais avant date prévue | Oui (conformément à la convention homologuée) | Date du licenciement pour faute grave |
Après date prévue dans la convention | Oui (si rupture déjà intervenue) | Date inscrite dans la convention |
conséquences pratiques pour salariés et employeurs
Cette décision apporte une sécurité juridique aux salariés. Une fois passée l’étape d’homologation, leur droit à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle reste protégé, même si un licenciement intervient avant la date initialement convenue.
Pour les employeurs, il est possible d’agir en cas de découverte d’une faute grave durant cette période. La procédure disciplinaire doit alors être lancée rapidement afin que le licenciement intervienne avant la date prévue par la convention.
Points d’attention :
- L’indemnité spécifique est due dès lors que l’homologation a eu lieu.
- L’employeur ne peut invoquer une faute grave après homologation pour priver le salarié du versement prévu.
- L’ensemble des droits liés à une rupture conventionnelle reste applicable sauf si celle-ci est remise en cause avant homologation.
- Toute contestation ou litige doit s’appuyer sur des preuves datées concernant les faits reprochés au salarié.
- L’accompagnement par un conseil ou un avocat aide à sécuriser chaque étape.
synthèse et conseils pratiques sur l’indemnité lors d’une double procédure rupture/licenciement pour faute grave
La jurisprudence rappelle que dans le cas où des faits graves sont découverts après homologation d’une rupture conventionnelle, mais avant sa date d’effet, l’indemnité spécifique convenue reste acquise au salarié. La date réelle de fin du contrat correspond alors au jour du licenciement, sans remettre en cause le droit au versement prévu.
Employeurs et salariés doivent donc veiller au bon respect des délais et formalités lors d’une procédure mixte. Pour l’employeur, agir sans tarder en cas de découverte d’une faute permet d’adapter rapidement le calendrier sans léser le salarié. Pour le salarié, il est utile de conserver tous les documents relatifs à la négociation, à l’homologation et aux éventuels griefs portés contre lui. Une information claire sur ses droits facilite souvent un règlement apaisé.