La société par actions simplifiée, ou SAS, attire de nombreux entrepreneurs grâce à sa grande souplesse, surtout pour organiser sa direction. Dans ce cadre, la rédaction des statuts joue un rôle central, car c’est ce texte qui fixe les règles importantes, notamment celles qui concernent la nomination et la révocation des dirigeants. Une question se pose souvent : les associés peuvent-ils, par une simple décision collective, modifier ou compléter ces règles sans passer par une modification formelle des statuts ? L’examen d’un récent arrêt de la Cour de cassation apporte des précisions utiles sur cette problématique.
présentation des faits et de l’affaire
Dans l’affaire jugée le 9 juillet 2025, une SAS avait prévu dans ses statuts que le directeur général pouvait être révoqué à tout moment et sans qu’un juste motif soit nécessaire, mais seulement par décision du président. Lors de la désignation du directeur général, les associés avaient pris à l’unanimité une décision précisant que ce dernier ne pourrait être révoqué que dans trois cas bien définis. Cette décision collective allait donc plus loin que ce que prévoyaient les statuts.
Quand le président a révoqué le directeur général sans invoquer l’un des trois cas prévus par la décision collective, celui-ci a contesté la mesure. Il a soutenu que sa révocation était irrégulière puisqu’elle contredisait la volonté exprimée par les associés lors de sa nomination. Il a alors demandé réparation devant le tribunal.
analyse juridique
La cour d’appel saisie du litige a donné raison au dirigeant révoqué. Elle a estimé que la décision unanime des associés démontrait leur volonté de déroger aux statuts. Pour la cour d’appel, une telle décision prise à l’unanimité pouvait valoir adaptation ponctuelle des règles statutaires, même sans procéder à une modification formelle des statuts.
Cet argument repose sur l’idée que la souveraineté des associés leur permettrait d’aménager ponctuellement les conditions de révocation du dirigeant, dès lors qu’ils expriment collectivement leur volonté.
La Cour de cassation a censuré ce raisonnement. Elle rappelle que les modalités de révocation d’un dirigeant prévues dans les statuts ne peuvent être modifiées que par une modification formelle de ces statuts. Même une décision unanime des associés ne suffit pas à déroger aux clauses statutaires. Autrement dit, toute adaptation doit passer par le respect des procédures de modification prévues dans les statuts eux-mêmes.
Ainsi, seules les modifications statutaires décidées selon les règles prévues par la loi et les statuts peuvent adapter ou compléter les modalités de révocation du dirigeant. Une simple décision collective ne peut pas s’y substituer.
conséquences pratiques et recommandations
Les associés et dirigeants doivent porter une attention particulière à la rédaction des clauses statutaires concernant la nomination et la révocation du dirigeant. Le tableau suivant résume les bonnes pratiques :
Situation | Démarche à suivre |
---|---|
Envie de changer les modalités de révocation | Modifier formellement les statuts selon les règles en vigueur |
Simplement compléter ou préciser par une décision collective | Inefficace si cela contredit ou modifie ce qui est écrit dans les statuts : il faut passer par une modification statutaire |
Désigner un dirigeant avec des conditions spécifiques non prévues dans les statuts | Nécessite d’adapter aussi les statuts pour garantir leur opposabilité et leur sécurité juridique |
Toute volonté d’assouplir ou d’encadrer différemment la révocation du dirigeant, même si tous les associés sont d’accord, doit obligatoirement prendre la forme d’une modification formelle des statuts. Une simple décision collective n’a pas assez de force juridique pour primer sur les clauses statutaires.
Pour éviter tout litige futur, il est recommandé d’anticiper ces questions lors de la rédaction initiale des statuts ou lors de chaque changement envisagé dans l’organisation de la direction.
sécurité juridique et transparence dans la sas : respecter les statuts pour organiser la direction
Le respect strict des statuts s’impose à tous au sein d’une SAS. Les modalités de nomination et surtout de révocation du dirigeant ne peuvent être modifiées que selon une procédure précise : celle prévue pour changer les statuts. La récente jurisprudence vient rappeler que cette exigence vise à garantir un cadre clair, transparent et prévisible pour tous. Cette règle protège chaque partie et évite que des décisions prises hors du texte fondateur ne créent insécurité ou confusion dans le fonctionnement interne.