Lorsque des locaux sont loués à la fois pour une activité professionnelle et pour loger, la question du régime juridique applicable se pose souvent. Faut-il appliquer les règles du bail d’habitation, ou celles du bail commercial ? Un arrêt récent de la cour d’appel de Caen vient d’apporter une réponse claire sur ce point, apportant un éclairage utile aux propriétaires comme aux locataires.
contexte juridique
Un bail mixte concerne à la fois des locaux à usage commercial et un logement. Ce type de location vise par exemple un commerce au rez-de-chaussée et un appartement à l’étage, dans le même immeuble. La question se pose alors : quel statut s’applique lorsque les deux usages coexistent dans un seul contrat ?
La règle posée par la jurisprudence et confirmée récemment veut que le statut des baux commerciaux s’applique dès lors que l’objet principal du bail est commercial. Même si le bail prévoit aussi un logement pour le gérant ou le personnel, ces locaux d’habitation sont alors considérés comme l’accessoire de l’activité principale.
Pour mieux comprendre, voici un tableau comparatif :
Objet principal du bail | Statut applicable | Conséquence sur le local d’habitation |
---|---|---|
Commercial | Baux commerciaux | Le logement suit le régime commercial |
Habitation | Bail d’habitation | Le commerce suit le régime habitation |
Mixte | Selon usage principal | L’accessoire suit le principal |
exposé de l’affaire
Dans l’affaire jugée par la cour d’appel de Caen, un bail commercial portait sur un local permettant une activité de restauration ainsi que sur une partie servant de logement dans le même immeuble. La société locataire avait installé son gérant sur place, qui en faisait sa résidence principale.
Suite à des impayés de loyers, le propriétaire a actionné la clause résolutoire prévue dans le contrat pour demander en justice la résiliation du bail et l’expulsion de la société.
argumentation des parties
Le locataire a contesté la procédure engagée par le bailleur. Il a fait valoir que, puisque son gérant faisait du logement sa résidence principale, les règles protectrices spécifiques au bail d’habitation auraient dû être suivies. Selon lui, sans respect de ces formes, la demande d’expulsion ne pouvait aboutir.
décision de justice
La cour d’appel n’a pas retenu cette argumentation. Elle a observé que l’objet principal du bail était bien l’exploitation commerciale (ici, la restauration sur place ou à emporter). Elle en a déduit que l’ensemble du contrat devait relever du statut des baux commerciaux, y compris pour les locaux servant au logement qui constituent un simple accessoire à l’activité commerciale.
La procédure suivie par le propriétaire pour faire constater la résiliation du bail en application de la clause résolutoire était donc régulière. Les formalités propres au bail d’habitation n’avaient pas à être respectées dans ce contexte.
conséquences pratiques
Pour les propriétaires comme pour les sociétés locataires, cette clarification a des effets concrets :
- L’usage principal du bail détermine tout le régime juridique applicable.
- Lorsque l’activité commerciale est au cœur du contrat, les locaux accessoires (même habités) suivent ce statut.
- Les formalités propres au logement (préavis, délais spécifiques) ne s’imposent pas dans ce cadre.
- Les procédures et protections prévues pour les baux commerciaux prévalent sur celles du logement classique.
Voici une synthèse sous forme de liste :
- Définir clairement l’usage principal lors de la rédaction du bail
- Anticiper les conséquences juridiques en cas d’incident (impayé, fin de contrat)
- Savoir que le logement accessoire ne bénéficie pas du régime protecteur du bail d’habitation
qualifier l’objet principal du bail : une étape décisive
Bien définir dès le départ si l’activité commerciale est première ou accessoire permet à chaque partie de savoir précisément quelles règles s’appliqueront. Cette vigilance évite bien des litiges et permet d’adapter les contrats aux besoins réels. En cas de doute sur la qualification ou sur les conséquences juridiques, il reste recommandé de demander conseil à un professionnel.
Sources / références :
cour d’appel de caen, 16 janvier 2025, n° 24/00560